«Izganie» (Russie, 2008) d’Andreï Zviaguintsev permet de sonder une tendance du cinéma russe. Les inspirations chrétiennes y sont nombreuses et abondent pour nourrir le récit et pour élever les œuvres au rang de grandeur. Si Zviaguintsev, dans son chef-d’œuvre liminaire «Vozvrashcheniye», donnait une image somptueuse de la Russie en érigeant adroitement son film à l’universel, avec «Izgnanie» il semble moins aisé pour le cinéaste de décrocher du particulier. Derrière les paysages pittoresques et les mouvements alanguis de la caméra, le cinéaste développe l’histoire commune d’un homme qui, dans un malentendu lyrique, se retrouve sans famille, seul, détruit par son arbitraire, par sa condition humaine. Les parallèles bibliques font foisons et leurs applications sont parfois maladroites. Mais Zviaguintsev conserve la légèreté gracieuse qui faisait l’un des succès de son premier opus. Je parlais de mouvements de caméra alanguis, ils sont là majoritairement composés de panorama, unissant l’espace en un seul temps, dévoilant les hors champs, les maux profonds tout en préservant leur mystique. Pour mieux saisir la force du film, faisons un analogue avec le très décevant «Ostrov» (Russie, 2008) de Pavel Lounguine. Le mystique chez Lounguine prend des airs d’extase immodérée, d’emphase vulgaire. Zviaguintsev, en réussissant à unir l’homme à la nature par une communion muette des êtres et des choses, le mystique chez lui se fait alors affaire de l’ordinaire. Du mystique banal, pâle et amer chez Lounguine au mystique ordinaire, esthétique et riche chez Zviaguintsev, il y a un grand écart que le cinéma russe mène brillamment. La réussite n’est toutefois pas entière en vue d’«Izgnanie». Car si le film précédent du cinéaste avait l’immense qualité de narrer le conte de la figure universelle du père, ce film-ci reprend pour sujet la même figure et, en le prenant pour personnage principal, en dénature le mystère, en ablue la force ténébreuse.