Il est facile de différencier ceux qui savent faire du cinéma, et ceux qui font de leur mieux pour faire semblant. La fille de Cassavetes connaît le cinéma, il n'y a aucun doute, mais "Broken English" n'en est aucunement la preuve, du moins la mise en pratique de ses connaissances. En voulant revisiter le jeu de l'amour, la romance arty (New York V.S. Paris, acteurs peu connus, B.O. éthérée, composition de plans simples et montage contemplatif), la cinéaste signe un film totalement impersonnel, amusé parfois, sûrement un beau moment de tournage et d'intimité entre techniciens et interprètes, mais d'un rendu esthétique totalement fade et sans interêt. Le problème ne provient pas tant de la banalité du métrage, mais surtout dans sa manière de vouloir faire 'dans le genre de' . La caméra essaye parfois de s'envoler, de se faire discrète, de se ballader dans des couloirs l'air de rien, mais les clichés alourdissent ; lorsqu'arrive Paris, c'est peu dire que tout le monde devient con. Il y a le passage inévitable du taxi, celui de l'hôtel médiocre et le bar de luxe la nuit, sans oublier le verre de vin, sans quoi nous ne serions pas en France. La lourdeur de vision, souvent bloquée à la simple imagerie enfantine que l'on se fait d'une culture, empêche le film de décoller vers la grâce et la délicatesse. Même Melvil Poupaud, d'une subtilité infinie, à la fois paysan et gentleman, bourru et charmant, triste et déconneur, ne parvient pas à rendre cette romance crédible. Le générique de départ, pourtant magnifique, faisait croire le tact de l'amour en son regard, avec une énergie errante dans ce personnage comme un coeur lové dans sa propre mélancolie. La douceur de la caméra, collée à la peau, charnelle quand entrent en collision des lèvres sur un verre d'alcool, fera soudainement place à la comédie new-yorkaise lourdaude, plate, aphone. Les mots essayent mais ne parviennent pas jusqu'au coeur. La B.O. signée Scratch Massive, pourtant délicieuse, n'arrive pas non plus à déjo