Certaines familles connaissent des grands malheurs. Parmi elles, quelques-unes se refusent à ne jamais en parler, comme pour exorciser l’inconsolable douleur qui les étreint. Si encore ça s’arrêtait là… mais ce n’est pas si simple ! Et cela, Philippe Grimbert l’a parfaitement compris, au point de coucher cet épineux problème sur le papier sous sa prose. Oui, "Un secret" est l’adaptation cinématographique du roman éponyme de l’écrivain. Je ne ferai pas de comparaison par rapport au bouquin, puisque je ne l’ai pas lu. C’est donc sans attente particulière que j’ai regardé le film de Claude Miller. Force est de reconnaître que le réalisateur a su mettre une ambiance dérangeante dans son long métrage. Le focus se fait sur un jeune garçon chétif, à la psychologie plus ou moins tracassée. Grâce (ou à cause) du titre, le spectateur comprend très vite que ce fils est issu d’une famille porteuse d’un lourd secret. Et il se révèle très rapidement, si rapidement que le spectateur vient à se demander comment le temps restant va être meublé. C’est par l’intermédiaire de nombreux retours en arrière qu’on va nous conter comment ce mystérieux secret a pu naître et hanter les esprits de cette famille. C’est fait de façon curieuse : le temps présent est filmé en noir et blanc un peu pâlot, tandis que les flash-backs sont tournés en couleur, quelles que soient les époques. Pour ma part, c’est un tantinet gênant parce qu’on s’y perd un peu. Cependant, avec un peu de patience, les pièces du puzzle se mettent peu à peu en place au fur et à mesure du récit. Et c’est ainsi que nous allons savoir comment le jeune François va trouver son identité, sa place au sein des deux personnes qui se vouent une irrésistible passion depuis toujours, et enfin se construire. Avec lui, nous découvrons à quelle époque cela remonte, de même que pour l’appartenance religieuse. Personnellement, j’aurai préféré que le cinéaste insiste sur les révélations de cette amie de la famille auprès du jeune François. Un peu à la manière dont l’a fait Sydney Pollack à l’occasion de "Out of Africa", en faisant narrer Karen Blixen ses propres aventures. Cela aurait permis d’avoir un peu plus de continuité dans le récit. Au lieu de ça, l’histoire parait un peu hachée, empêchant le spectateur de s’y immerger complètement et de ressentir les grandes émotions. C’est dommage, le potentiel était là. Pourtant, les acteurs font admirablement bien le boulot, en particulier Patrick Bruel et Cécile de France, aux côtés desquels Ludivine Sagnier ne démérite pas non plus. Je ne vois pas comment ils auraient pu faire mieux. Dès le premier regard qui les unit, on sent éclater entre Tania et Maxime une passion qui va les dévorer des années durant, tout du moins des mois durant. Une passion difficile à réfréner, comme toutes les passions dignes de ce nom. Pour preuve, leur entourage n’est pas dupe. Il y a des signes qui ne trompent pas. C’est donc un double fil rouge qui caractérise ce film, mis en place avec beaucoup de soins. Ce n’est pas pour rien que "Un secret" a obtenu onze nominations lors des Césars 2008 ! La photographie, les décors, la musique, le jeu des acteurs, tout semble parfait. Sur le lot, une seule récompense sera remportée : par Julie Depardieu, pourtant relativement peu présente à l’écran. Seulement voilà : le spectateur ne rentre pas totalement dans l’histoire. Il manque dans le récit de la poésie, du charme, de la nostalgie, tout cet ensemble de choses qui auraient dû rendre ce film incontournable, voire indispensable dans notre vidéothèque. En somme, il ne nous fait pas vraiment rêver. Avec du recul, il peut même avoir l’impression d’avoir assisté à quelque chose d’un peu trop contemplatif. Sans compter qu’on voit Patrick Bruel se faire doubler pour les scènes sportives. C’est même flagrant sur une séquence de lutte : là où on voit Maxime tous muscles tendus terrasser son adversaire, sur le plan d’après on le trouve certes dans exactement la même position, mais sans aucun muscle saillant… ce qui au passage en donne un coup à la crédibilité. Il en ressort certes un joli film, mais paradoxalement, on ne peut s’empêcher d’en ressortir déçus, tant le potentiel émotionnel était grand.