Miller décrit subtilement les souffrances cachées que le monde des adultes inflige aux enfants, reprenant souvent des thèmes chers à Truffaut (on peut préférer les films de Miller à ceux de Truffaut...) Ici, l’enfant victime –à l’âge adulte, sous les traits de Mathieu Amalric, il deviendra psy- c’est un petit garçon juif, maigre et peureux, inapte aux exercices physiques, qui s’invente le frère idéal, costaud, champion de gym, de plongée, et ne comprend pas pourquoi ce jeu innocent suscite chez son père une telle colère. Il y a un secret autour d’un autre petit garçon. Costaud celui là, fort en gym, disparu dans les convulsions de l’histoire. Une amie de la famille va lui révéler petit à petit ce secret, Julie Depardieu, exceptionnelle. Deux très jolies actrices occupent les deux rôles clé –et on ne voit que Julie Depardieu! Bon, Ludivine Sagnier est excellente aussi, tant elle fait comprendre l’évolution de son personnage: on voit cette jolie rousse radieuse, épanouie se ratatiner petit à petit, on voit sa lumière intérieure s’éteindre... Cécile de France est belle avec un corps sculptural digne des idéaux de l’époque : une vraie statue mussolinienne. On ne lui demande rien de plus. Comme toile de fond de cette histoire individuelle et tragique, Miller décrit formidablement ces milieux de petits artisans juifs industrieux dans les années 40. Ceux qui portent l’étoile et sont quasiment fiers de la porter. Qui pensent que les lois de Vichy ne concerneront que les juifs étrangers, se sentent bons français, donc intouchables. Et ceux qui (Bruel), refusent de porter l’étoile, passant pour traîtres auprès de la communauté. Oui, c’est un film passionnant, qu’on regarde à tous ces niveaux, de l’intime jusqu’à la fresque historique. Un très grand film.