Capitaine Achab (2003) et Capitaine Achab (2007), jumeaux dissemblables et indissociables. La progéniture de Philippe Ramos naquit d’une idée analogue, celle d’une construction autour de l’œuvre d’Herman Melville, Moby Dick. Les similitudes génétiques s’évanouissent, le premier fait figure de brouillon, d’esquisse que les quatre années séparant celui-ci de son homonyme long ont travaillé, remanié, façonné. L’histoire a mûri, s’est élargie dans le temps et l’espace, quelques personnages voient leur caractère changer d’autres apparaissent. Philippe Ramos joue avec l’œuvre originale de Melville, la déconstruit, la complète ; il imagine une enfance à ce personnage blessé, aigri et ténébreux, le capitaine Achab. Une jeunesse difficile, en quête de respect du monde des hommes, le petit Achab souffre de l’absence maternelle ; manque affectif qu’il refoule avant que le pasteur lui révèle que la bible qu’il tient entre ses mains appartenait à sa mère. La religion occupe dès lors une place importante ; cette bible, la Bible, tachée de son propre sang est sa rédemptrice. Sa foi n’est que temporaire, détruite par la passion. L’image d’Achab dormant au cœur d’un squelette de cachalot est révélatrice de son destin, d’un enfermement de sa pensée dans la chasse à la baleine, de sa vie. Le capitaine Achab est né. L’adaptation libre que nous livre Philippe Ramos de Moby Dick est axée sur une esquive de la majeure partie de cette œuvre melvillienne. Scénariste, chef décorateur, réalisateur et monteur de ce second Capitaine Achab, il nous présente un film d’auteur très inégal auquel on préférera son esquisse, plus abstraite. Achab sent l’odeur du cachalot, « une odeur de cuivre et de terre humide, une odeur de sous-bois » ; le capitaine est assis au pied d’un arbre, il a accompli son dessein, Moby Dick sombre avec lui dans le bleu de l’océan, dans le bleu du ciel.