Aïe, que de belles critiques. Fait-on un bon film avec seulement de bons sentiments ? Ma réponse est dans la question. Je passe sur le massacre infligé au concerto, coupé en tranches façon carpaccio, alors que l'interprétation pouvait séduire. Retournons vite à Oistrakh, Ferras ou, dans un autre style, Kremer. Les bons sentiments d'abord : les ficelles ressemblent à des câbles sous-marins, tant on comprend très vite qui est Anne-Marie. Le reste est une succession de clichés façon diaporama. Tout y passe : la mafia russe, l'insouciance slave, la préférence donnée au football (hormis les Asiatiques, d'où sortent donc nombre de grands interprètes aujourd'hui encore ?), la politique musicale parisienne, le critique caricatural (heureusement, c'est Gallienne, 10 secondes de grande classe), l'antisémitisme, l'alcoolisme...Quant au scénario, les invraisemblances ne se comptent plus : une violoniste qui n'a jamais joué ce concerto et le magnifie par coeur dès le lendemain, un orchestre (?) qui massacre l'introduction dans le plus pur style Hoffnung, et devient parfait dès l'attaque de la soliste, un programme composé de cette seule oeuvre (heureusement pour Prokofiev !) un chef qui fut, nous dit-on, une légende et dont la gestuelle ferait hurler de rire un étudiant en première année de conservatoire municipal (pauvre Guskov)...j'arrête là.
Tout cela pourrait passer si l'on était dans la fable, dans l'onirisme. Mais Mihaileanu filme "réel", nous propose un scénario au premier degré, et une mise en scène tout aussi primaire. En laissant tout de même beaucoup ses acteurs livrés à eux-mêmes, en particulier l'équipe française : Miou-Miou ? une ombre. Berléand ? une ligne de plus dans sa filmographie (et j'espère que le directeur du Châtelet a de l'humour...). Mélanie Laurent ? peu, ou faussement, concernée. Roger Dumas ? ça fait plaisir de le revoir. Ramzi ? la fausse bonne idée issue de l'école (?) canal qui pollue chaque film français depuis trop longtemps (Garcia excepté). Quant à Guskov, deux expressions : avec ou sans verre à la main. L'exception Nazarov, très bon, sauve une distribution où seuls les petits rôles tiennent la route.
Une étoile pour l'évidente sincérité du réalisateur, et pour le gros travail accompli par Mélanie Laurent pour être presque crédible en violoniste virtuose. Mais la musique, pour toucher le grand public, doit être abordée autrement qu'en en donnant des idées fausses.