Bien qu’appréciant le cinéma à l’ancienne de Jean Becker, j’avoue avoir été un peu rebuté par la bande-annonce de ce "Deux jours à tuer" (avec son héros moralisateur qui se montre bien indélicat avec ses enfants)… au point d’attendre près de 6 ans avant de voir ce que les critiques considéraient comme un des meilleurs films du réalisateur. Et force est d’admettre que j’ai eu tort puisque le film est effectivement une réussite et le personnage d’Antoine, campé par Albert Dupontel, est passionnant. Il faut dire que le réalisateur tisse son intrigue comme une nébuleuse difficilement palpable, les agissements du héros, qui va peu à peu faire le vide autour de lui, de façon pour le moins radical, étant, dans un premier temps, incompréhensibles (pourquoi tout envoyer valser quand on a tout pour être heureux) puis s’expliquant, par petite touche successive,
jusqu’à l’implacable final, d’une dureté tragique que ne laisse pas de marbre
. "Deux jours à tuer" parvient, d’ailleurs, à compenser
la tristesse ambiante
de son intrigue
(mieux vaut ne pas être dépressif avant de voir le film)
par le mystère de son personnage principal. Car ce sont bien les révélations successives sur les motivations d’Antoine qui font toute la valeur du film, au point d’excuser le ton cassant (voire humiliant) qu’il emploie, y compris avec ses proches. A ce titre, les retrouvailles avec son père (Pierre Vaneck, impeccable dans son dernier rôle), pleines de rancœur et de non-dits, en disent long sur le traumatisme vécu par le héros… Pourtant, et c’est peut-être le point faible du film, le lien entre cette blessure du passé et les véritables raisons du pétage de plomb du héros (
qui se sait condamné par la maladie)
parait un peu artificiel. En effet, si on comprend bien que
c’est parce qu’il sait qu’il va bientôt mourir qu’il décide de régler ses comptes avec son père
, il me semble que les erreurs passées de ce dernier et le poids de son absence dans la vie de son fils (qui aurait pu, tout autant, expliquer qu’il explose malgré une vie parfaite) aurait suffit à faire un film à part entière.
Ou alors, peut-être aurait-il fallu davantage raccrocher sa maladie et son refus d’être vu diminué par sa femme (Marie-Josée Croze, impeccable) et ses enfants, au comportement passé de son père ?
Il n’en demeure pas moins que le film dégage une force émotionnelle perturbante voulue par Jean Becker
(pas de happy-end pour le héros ici, même pas un semblant)
que son habituelle mise en scène épurée vient renforcer. La qualité de l’interprétation, à commencer par celle des seconds rôles, tous formidables, tels que Matthias Mlekuz, Samuel Labarthe, Claire Nebout, François Marthouret, Cristiana Reali ou encore Daphné Burki) y est pour beaucoup… même si, comme toujours, j’ai un peu de mal avec la diction d’Albert Dupontel, qui me parait toujours sonner un peu faux. Pour le reste, "Deux jours à tuer" est vraiment à voir.