Avec « Angel », Ozon se fait plaisir et rend hommage aux grands mélos des années 50. Il réaffirme son goût du kitsch, déjà exprimé dans « Huit Femmes ». Mais là, il se lâche pour de bon : il fait le choix plutôt gonflé de faire un grand film à costumes, à contre courant des productions actuelles. La démarche séduit car révèle une réelle indépendance artistique chez le réalisateur. Un choix si singulier, à première vue, ne peut que réjouir. Seulement, « Angel » laisse un peu perplexe : le réalisateur fait un film d’époque « à la manière de », joue avec les clichés propres au genre, mais sans laisser sa touche personnelle. On est alors davantage dans l’imitation ; on en sort un peu déconcerté, cherchant à comprendre la démarche du réalisateur. Le traitement est classique, mais l’ironie est omniprésente, ce qui donne un côté plutôt savoureux au film : certaines scènes sont d’ailleurs assez drôles. Cependant le film n’est pas pour autant parodique, Ozon est loin de sa moquer de son sujet. D’ailleurs, « Angel » évolue de façon assez sombre, et au dénouement assez pessimiste (on est tous tôt ou tard rattrapé par la réalité). Romola Garai est irrésistible en Angel: à la fois séduisante, arriviste et égoïste, l'actrice la rend drôle mais jamais ridicule. Le réalisateur fait un vrai mélo, mais c’est son regard distant, amusé qui donne de l’intérêt au film, autant qu’il déconcerte le spectateur. De plus, Ozon brouille les cartes, entremêlant idéal et réalité : certaines scènes paraissent totalement fantasmées par l’héroïne (le baiser sous la pluie, bien filmé d’ailleurs). Le romanesque assumée du film prend alors sens : le ‘Paradise’ devient un refuge, un lieu où les idéaux s’expriment et la réalité n’existe pas. En résumé, Ozon séduit par ses choix radicaux et assumés, mais on reste malgré tout un peu réservé face à ce film, ne sachant pas vraiment comment l’appréhender.