Polar normand sans policier, ou « thriller social », les personnages en quête de mieux, mais pas si paumés que ça, croisent un anti-HÉRO, magnifique et tordant d’auto-dérision. Jonathan Zaccaï, incarne avec une intensité rare le rôle principal. Chacun de ses regards bleus en dit long. c'est justement cet aspect du film, tout sauf bavard mais dont les niveaux de lecture sont nombreux que je trouve très fin. Pas didactique, pas de morale imposée. Mais un réalisme et un humanisme qui laisse à notre discrétion la question du manichéisme. La question se pose de comment sortir du bourbier, refuser la médiocrité, surtout en amour, se donner le cran d’aller jusqu’au bout avec les moyens (dérisoires) du bord. La question, surtout, du risque, car on a toujours quelque chose à perdre. Les acteurs sont excellents, tous. Aure Atika, la gérante d'hôtel insatisfaite de son ordinaire mais jamais battue, Guillaume Viry, le pompier sympa qui vit chez sa mère, Said Serrari et Jo Prestia, les bandits paria poussés à l'acte par dépi, Florence Thomassin divine et le coeur brisé, enfin Bernard Le Coq, brigand de l'industrie moderne dans toute sa splendeur.On rit du début à la fin de leurs travers si bien écrits ! La musique, envoûtante, colle à la peau du film et des personnages. Le moindre détail est à ce point réaliste qu'on n'est plus devant un spectacle (à part celui, vertigineux, des paysages) mais devant une tranche de vie, banale et savoureuse, derrière laquelle la réalisation, pointue, se faite discrète. Pas de morale, si ce n'est dans une forme incarnée d'humanisme et de tendresse qui laisse la question ouverte. Et ça, ça fait du bien. Un premier film aboutit avec beaucoup d’élégance.