"Au ciné de mon quartier, on peut voir depuis avant-hier, une histoire en blanc et noir, le film était de Jacques Becker".
Encore un film (le film ?) qui prouve qu'avant d'être l'un des plus grands interprètes de la chanson française, Serge Reggiani a été un immense acteur. Casque d'or doit beaucoup à sa présence, qui donne au film une profondeur et un charme très particuliers. Manda, c'est un peu l'homme « avec la tête d'épagneul qui n'a pas appris à nager » que chantera Reggiani quelques années plus tard. Cet air mélancolique, ce regard soutenu, qui sont propres à Reggiani donnent une aura et un charisme énormes au personnage de Manda. L'intrigue, elle, est simple, mais elle est mise en scène avec une telle beauté. Inspiré d'une histoire vraie, le film aurait pu mettre l'accent sur le fait que Casque d'or était une fille de joie "aux amours tumultueuses" comme le dit le résumé allociné... Mais Becker a offert à Signoret un rôle réellement visionnaire sur la condition de la femme. Il lui a offert un véritable rôle féminin, un rôle digne, le rôle d'une femme qui n'existe que par elle-même. Ce film est doux, il est drôle, il est émouvant... Il se laisse regarder comme on écoute une belle balade, pour se terminer sur une scène à la nostalgie assez incroyable. Le duo de tête formé par Reggiani et Signoret est ultra crédible. Leurs jeux de regard sont d'une grande intensité, et les magnifiques gros plans embués de Becker arrivent toujours au bon moment pour les souligner. On se croit alors dans une sorte de rêve éveillé, l'amour donnant aux deux personnages un air d'enfant, une pureté qui contraste avec tout ce qui les entoure. Cette caméra n'est pas bonne que lors des gros plans, elle est irréprochable tout du long, et vient renforcer la drôlerie du film, son émotion ou sa poésie, selon les scènes. Casque d'or est en définitive un très beau film sur l'amour, sur l'amitié et sur la loyauté, superbement interprété par deux pointures du cinéma francophone. "Au ciné de mon quartier, on peut voir depuis avant-hier, comment meurt en blanc et noir, un homme qu'a jamais vu la mer..."