"La Tête de Maman" a tout pour plaire, et c'est peut-être là que le bât blesse. On retrouve en effet dans ce premier film de Carine Tardieu les ingrédients qui ont fait les succès de "Je vous trouve très beau" ou de "Se Souvenir des belles choses" : un savant dosage d'humour décalé et parfois un peu cruel, d'émotion sur des sujets graves, et de tranches de vie intergénérationnelles. Recette efficace, puisque le film a déjà bénéficié du label des spectateurs UGC. Le problème dans ce brouet, c'est que tous les constituants n'ont pas le même goût. Dès la première scène, Lulu qui se bat avec un garçon de son école, la mise en scène est ultra-voyante et les effets bien trop appuyés. Par la suite, et plusieurs fois dans le film, ces maladresses viennent gêner la fluidité de l'histoire, comme la scène où Lulu embrasse Jacques jeune qui se présente comme son fantasme, ou la scène finale où Carine Tardieu ressort toute la panoplie du Guide de l'Emotion, avec photo surex, ralentis et musique violonneuse.
Heureusement, beaucoup d'autres idées passent mieux, parce que bien inscrites dans le récit, comme cette mise en abyme de tous les ancêtres maudits de Lulu, ou au contraire parce qu'ils sont complètement décalés et gratuits, comme cette apparition sous le balcon de Juliette d'un Jacques-Roméo malmené par un marsupial.
Il y a aussi des répliques qui font mouche, comme ce reproche fait par Lulu à sa copine Sarah : "Tu m'énerves à toujours faire des commentaires sur tout", alors que toute l'écriture scénaristique repose sur les pensées péremptoires de la jeune héroïne, ou le prétexte qu'elle invente pour prendre contact avec Jacques : "Je fais des études en zoophilie".
Chloë Coulloud, repérée par Carine Tardieu dans le couloir où elle attendait pour le casting, s'en sort plutôt bien, sans doute meilleure quand le vernis craque que quand elle joue la dure à cuire. La réalisatrice explique qu'elle a choisi Karine Viard pour sa vivacité, afin que cette énergie apparaisse sous-jacente dans la première partie où elle s'enfonce dans la neurasthénie ; malheureusement, ce contre-emploi a été poussé sans nuance, et sa prestation est trop caricaturale. C'est sans doute cette volonté de caractériser les personnages qui entraînent Kad Merad et Pascal Elbé au pays des bisounours ; Suzy Falk est plus convaincante dans le rôle de la grand-mère au caractère proche de celui de Lulu.
Comme souvent dans les premiers films, Carine Tardieu a voulu traiter beaucoup de sujets, et montrer toute la palette des effets qu'elle pense maîtriser. Cet excès d'ambition, certes explicable, fait de la "Tête de Maman" un film fourre-tout parfois un peu racoleur. Une sincérité perceptible et quelques trouvailles originales peuvent nous donner envie de la revoir dans un projet mieux cerné.
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