Il est de bon ton aujourd'hui d'encenser le cinéma asiatique, au moment où Hollywood fait appel à ses meilleurs réalisateurs : Edward Yang, John Woo, et maintenant Wong Kar Waï qui tourne actuellement un road movie aux Etats-Unis, "My Blueberry Nights". Présenté à Cannes en même temps que l'opus 2 qui sort la semaine prochaine, "Election 1" a donc été très bien accueilli par la critique, Positif, Les Cahiers du Cinéma et Libé en tête ; je ne partage pas cet enthousiasme, loin de là.
Johnnie To a décidé de réduire de moitié la version initiale de trois heures, grand bien nous fasse ! Car ce film nous raconte une histoire déjà bien embrouillée, entre les différents baronnets dont les votes fluctuent au gré des pressions, les hommes de mains dont on a du mal à suivre les liens de suzeraineté, et les membres des autres triades, hongkongaises ou chinoises, alliées ou ennemies. Mais bon, admettons, il n'est pas besoin de tout comprendre des alliances et des trahisons des Plantagenêt et des Tudor pour apprécier Richard III. Mais ici, la narration est confuse, semble-t-il intentionnellement, et le spectateur occidental a bien du mal à comprendre qui est qui, et surtout qui roule pour qui.
"Election 1" est nettement moins trépidant que le commun du cinéma d'action asiatique, de Tsui Hark à Kitano, ou même que chez Scorsese - qui lui-même n'hésite pas à aller piocher son inspiration à Hong Kong. On assiste à beaucoup de joutes électorales et de conciliabules dans des arrière-salles obscures captés au moyen de travellings paresseux. Et les scènes de violences sont délibérément étirées, un peu comme dans "Le Rideau déchiré", quand Hitchcock montre la difficulté de tuer un homme en filmant longuement l'agonie de l'agent est-allemand que tue Paul Newman. Particularité locale ou choix symbolique, les armes à feu sont absentes et on se massacre donc à grands coups de machettes, de rochers ou de bouteilles de whisky.
Comme souvent dans le cinéma honkongais, on perçoit une certaine instabilité dans le choix du genre, passant d'une scène à une autre de la tragédie au loufoque, sans éviter l'emphatisme ridicule et cheap, comme la cérémonie de prestation du serment de fidélité à la triade.
La réalisation est étrangement seventies, avec une photographie évoquant de l'ektachrome périmé, et un abus du zoom digne du filmage du mariage de Tata Yvette, y compris les mises au point approximatives.
Parabole sur la survie difficile de la démocratie dans la ville de Hong-Kong rattaché à la Chine, "Election 1" vaut quand même par certains personnages, comme celui d'Oncle Teng, sorte de Maître Yoda de la triade joué par le mentor de Johnnie To, le producteur Wong Tin Lam, ou par certaines scènes, comme celle où policiers et parrains s'entendent pour restaurer l'ordre mafieux préférable à la guerre des gangs. Mais tout cela n'est pas suffisant pour me donner envie de suivre le deuxième tour de cette élection
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