Qui a dit que la prison servait à réinsérer socialement les gens? Voilà un petit voyou qui entre (pour six ans quand même), et qui devient un vrai gangster, pire qu’il était entré. Il ne sait pas lire mais il a les yeux ouverts, et de grandes oreilles; et il apprend vite, l'animal, en faisant le larbin, car d’instinct il sait,«…en servant mon maître c’est moi-même que je sers...». Ce film aurait pu vite se transformer en thriller à l’américaine,un peu glauque sur les bords, heureusement, le talent d’Audiard lui permet de se détacher de ses modèles, et de nous plonger dans son univers bien à lui, original, brutal, poétique, une mise en scène brillante. Il y a une urgence existentielle qui prend à la gorge dès le départ et qui ne lâche rien. Même quand il est à l’extérieur, en permission, on sent les barreaux autour du personnage principal, qui lutte pour sa survie, et à le cul entre deux chaises, coincé entre clans corses et arabes. L’univers carcéral filmé de main de maître, caméra nerveuse, rythme soutenu, sans répit, avec des pointes d’humour et de mysticisme, voire de fantasmagorie pure, surtout une fin simple et royale. Le jeune acteur Tahar Rahim est complètement habité, et Niels Arestup est «géant» comme à son habitude. Et c’est rajouts de noms et de mots en surimpression qui donne l’idée d’une chronique urbaine, ailleurs cela serait fun, ici c’est plus sérieux , et donne poids au récit, et une multiplicité de sens à décrypter soit-même. Tout pour devenir culte, le meilleur film français de ces dernières années, et le plus drôle c’est qu’ils passent leur temps à parler en corse ou en arabe.