Lorsque Jacques Audiard mêle film de tolard et le polar, le film de gangsters, et qu’il excelle dans les deux branches, cela donne Un prophète. Film dur, d’un réalisme surprenant, pour peu que l’on ne soit pas connaisseur, en ce qui concerne l’univers carcéral comme le monde du business illicite. Pour ce faire, le cinéaste se repose sur Tahar Rahim, exceptionnel, et Niels Arestrup, deux comédiens qui trouvent ici un rôle majeur. Un prophète, en somme, c’est une forme d’ascension criminelle, passant par la case prison, ou le cheminement d’un petit délinquant vers un chef de clan, ayant appris de ses pairs pour finalement leurs couper les ailes et reprendre le flambeau. Si ce qui fera suite à la libération finale n’intéresse pas, Audiard l’a compris, il se focalise sur la prison, sur l’improbable destin de son jeune maghrébin.
Dès les premières minutes, l’on entre avec le personnage de Malik en prison, dans un univers carcéral oppressant et usant. Très vite, la tension monte, du fait que le personnage auquel l’on s’attache immédiatement se retrouve confronté à un dur dilemme, à devoir prendre d’énorme risque en vue d’une future situation plus confortable mais aussi pour sauver sa peau. Au fil du récit, le personnage se rapproche méthodiquement du parrain de la mafia Corse incarcéré à ses côtés. Bénéficiant de sorties journalières, le jeune Malik devient l’instrument du vieil homme, un vieil homme dur, sournois, et impeccablement interpréter par le mésestimer Niels Arestrup, faisant ici preuve soit d’une bienveillance agréable, soit d’une violence animale, nous rappelant que le boss, ici, c’est lui.
Si Un prophète est un film de gangsters, il est aussi l’une des meilleures illustrations au cinéma de l’univers carcéral, du moins pour ce qui est de la France. Tout y passe, Audiard prenant soin de n’omettre aucune subtilités ayant trait à ce monde si particulier et effrayant, là où les voyous sont les uns sur les autres, pour la plupart en apprentissage d’une carrière criminelle qu’ils prévoient pour plus tard, ayant acquis là les principes premiers. Sans dénoncer le système, le film d’Audiard s’avère tout de même être une démonstration de ce phénomène, transformant donc un délinquant illettré en gangster.
La Centrale est un décor sobre et inquiétant, les personnages sont tous d’une justesse inquiétante, les thèmes abordés tous parfaitement maîtrisés. Jacques Audiard fait étalage d’un talent indéniable de metteur en scène, privilégiant la rudesse qu’arrondissant les angles, se tenant aussi près que possible d’une possible réalité. Un film majeur, immanquable. 17/20