Pour la deuxième fois consécutive, David Cronenberg offre le rôle masculin principal de son film à Viggo Mortensen, héros trouble de A History of Violence, le précédent opus du Canadien. Par ailleurs, il retrouve ses collaborateurs habituels : le compositeur Howard Shore, le chef-op' Peter Suschitzky, la décoratrice Carol Spier, le monteur Ronald Sanders, sans oublier sa soeur Denise Cronenberg, costumière.
En 2007, Les Promesses de l'ombre a fait l'ouverture du Festival de San Sebastian, et a également été présenté aux Festivals de Londres et de Toronto, où il a remporté le Prix Cadillac, décerné par le public.
Dès 1999, le scénariste Steven Knight avait apporté son script au producteur Paul Webster, mais ce n'est qu'en 2004 que la maison de production Focus Features s'est montrée intéressée. L'actrice Naomi Watts a eu très tôt connaissance de ce projet. Elle se souvient : "J'avais lu le script de Steve Knight avant de savoir que ce serait David Cronenberg qui le mettrait en scène. Puis j'ai su que ce serait lui et qu'il y aurait Viggo ; je n'ai pas hésité. Quant à David, il a tant de confiance en lui que ça devient contagieux. Viggo est un acteur incroyablement généreux et c'est aussi un homme exquis. Tous les matins, au maquillage, il me laissait un petit cadeau ou un livre. Il est totalement pris par son personnage. C'est fascinant. Mais j'ai aussi découvert Armin Mueller-Stahl. C'est un acteur fabuleux. Quand on travaille avec un personnage de ce calibre, on n'oublie pas un mot de ce qu'il dit !"
Le scénario est signé Steven Knight, à qui on doit une autre exploration d'un Londres clandestin et inquiétant : Dirty pretty things de Stephen Frears.
Viggo Mortensen évoque son travail de préparation : "Je suis allé en Russie, ces derniers temps. C'est agréable parce que les gens ne me reconnaissent pas dans la rue. Mais je me suis beaucoup documenté. J'ai découvert ces livres, Russian Criminal Tatoos, et surtout, j'ai vu le documentaire d'Alix Lambert, The Mark of Cain. Ça nous a beaucoup inspirés, David et moi. Etre capable de penser à ce que j'ai vu, entendu et ressenti en allant là où le personnage est censé être né, donne quelque chose de réel dans certaines scènes du film. Je crois que ça aide également les autres acteurs si je parviens à être convaincant."
Viggo Mortensen a raconté à David Cronenberg qu'un soir, il était entré dans un pub dans lequel se trouvaient un couple de Russes. A la vue des tatouages sur les doigts de l'acteur, les deux individus, effrayés, se sont levés et ont quitté les lieux...
A propos des tatouages que porte Nikolai, David Cronenberg explique : "Ces marques s'inscrivent jusque dans le coeur. Il a altéré son corps aussi sûrement que s'il avait subi une opération de chirurgie plastique." Le réalisateur de Crash poursuit : "Ces tatouages sont comme une langue pure que les anciens veulent conserver, mais elle est terrible. En découvrant ces livres, on est entré dans l'univers de ces tatouages beaucoup plus profondément que dans le scénario original. C'est comme un passeport, en prison."
Comme dans plusieurs autres films de David Cronenberg, tels Faux-Semblants et ses frères jumeaux ou A History of Violence, la famille est au coeur des Promesses de l'ombre. Y compris la famille criminelle... "(...) on a un peu inventé, mais en partant de ce que nous savions des vori v'zakone. Cela veut dire "voleurs dans la loi", on n'entre dans la famille que parce que l'on est un voleur", explique le réalisateur. "Il faut être des frères en-dehors de la société. C'est quelque chose qui est né dans le goulag, avant même Staline. Au départ, les vori n'avaient pas le droit de posséder quoi que ce soit, ce qui les distinguent de la mafia sicilienne. Le vrai code était : pas de famille (ta mère est une putain), pas de travail, on ne paye pas d'impôts, on ne travaille jamais pour le gouvernement. Ils s'exilaient volontairement de leur propre société. C'est cet exil volontaire qui se transforme en code, en morale, et c'est ce qui leur donne une identité. Nous avons exporté tout cela à Londres où tout change, tout subit une mutation. [Dans le gang du film] il y a un problème de succession entre le père et les fils. Il y a une rivalité entre les deux fils, l'un étant biologique, l'autre "adopté". Et il y a une autre famille, celle d'Anna. Dans les deux familles, il y a de l'amour et de la haine, de l'envie et de la jalousie. C'est assez shakespearien."
La scène de combat dans un sauna a été très commentée, notamment au Festival de Toronto, à la fois par son extrême violence et par la nudité totale de Viggo Mortensen. Concernant le premier point, le chef-opérateur Peter Suschitzky confie : "C'est vrai que je n'ai pas voulu être derrière la caméra pour les scènes les plus violentes. Pourquoi ? Parce que j'y crois ! J'ai besoin de croire, sinon je m'ennuie. J'ai besoin de croire à ce qui se passe devant la caméra et je déteste la violence. Dans ces scènes-là, c'est David qui s'occupe de la caméra." Et à propos du second point, l'acteur explique que, par souci de réalisme, il n'était pas question pour lui de refuser de jouer nu. La scène a nécessité deux jours de tournage.
Eastern Promises est pour Vincent Cassel (alias Kirill dans le film) une nouvelle expérience américaine après ses participations à Ocean's Twelve et Ocean's 13 de Steven Soderbergh, Dérapage avec Clive Owen, Nadia avec Nicole Kidman (dans lequel il jouait déjà le rôle d'un Russe) et Elizabeth.
Pendant le tournage du film, et non loin des lieux où l'équipe travaillait, s'est produit un fait divers retentissant, qui a empoisonné les relations entre la Russie et la Grande-Bretagne : la mort de l'opposant russe et ex-espion Litvinenko, empoisonné par une substance radioactive : le polonium. Un documentaire a d'ailleurs été consacré à cette affaire.
Naomi Watts a préféré tenter de garder le secret de sa grossesse auprès du casting et de l'équipe de Les Promesses de l'ombre. Elle n'a cependant pas réussi à tromper la soeur de David Cronenberg, laquelle travaillait sur le film en tant que costumière. Or, Naomi Watts n'arrivait plus a rentrer dans ses vêtements... L'actrice, qui exerce dans le film la profession de sage-femme, a découvert qu'elle attendait un enfant de son petit ami Liev Schreiber après deux semaines de tournage.
C'est la première fois que le Canadien David Cronenberg tourne entièrement un film hors de son pays natal.
Si le film est centré sur la communauté russe de Londres, les comédiens qui interprètent les personnages principaux ne sont en réalité ni russes ni anglais... C'est le cas de l'Américano-Danois Viggo Mortensen, de l'Australienne Naomi Watts, du Français Vincent Cassel, de l'Allemand Armin Mueller-Stahl et du Polonais Jerzy Skolimowski. Quant à Sinéad Cusack (la mère de l'héroïne), elle est irlandaise...
David Cronenberg a dirigé dans le film un célèbre réalisateur, le Polonais Jerzy Skolimowski, auteur entre autres de Deep End et du Départ. On a déjà aperçu celui-ci dans Mars Attacks et Avant la nuit. Cronenberg lui-même se plaît à faire l'acteur de temps en temps : citons Last Night ou Prête à tout. Dans son segment du film à sketchs Chacun son cinéma, présenté à Cannes en 2007, il s'était filmé en "dernier Juif du monde dans le dernier cinéma du monde".
Les Promesses de l'ombre est dédié à Lisa Parker : régisseuse sur le film, elle est décédée peu après le tournage, âgée d'à peine 40 ans.