Un film dans la même veine que A History of Violence, voilà ce que l’on pourrait penser au premier abord d’Eastern Promises (Les Promesses de l’ombre) : ce long-métrage de David Cronenberg, qui faisait suite à son dernier grand succès en date, nous entraîne en effet au sein d’un nouvel univers mafieux… à ceci près que ce scénario de Steven Knight nous réserve des thématiques différentes, donnant un ensemble des plus satisfaisants. Pour autant, il subsiste bien entendu des similitudes, mais avant tout dans la forme : la mise en scène brillante de maitrise de Cronenberg est toujours au rendez-vous, et l’on reconnait d’emblée sa patte si caractéristique, Eastern Promises adoptant par la même occasion un rythme des plus posés, pour ne pas dire lent. Mais, comme l’on pouvait l’espérer de la part du fameux cinéaste, l’intrigue faussement simpliste est auréolée d’une tension latente ne nous lâchant pas, atteignant alors son paroxysme au cours de scènes clés ; celle des bains retient naturellement toute notre attention, tant elle contient une violence inouïe, alors orchestré magnifiquement visuellement, et l’on ne peut que ressortir suffoqué d’un tel réalisme. Cette implacable sauvagerie est donc toujours de la partie, à l’image d’une séquence d’introduction ne prenant pas de gants, mais elle fait mine ici d’y occuper une place moins centrale ; ceci, grâce à la part de mystère entourant Nikolai notamment, fer de lance d’une profondeur étoffant à merveille la trame principale. Dans un même ordre d’idée, ce monde lugubre se révèle bien rapidement fascinant, fort de figures crevant l’écran, à commencer par un duo "fraternel" savamment traité, entre interactions d’une très grande justesse et vague d’émotions contradictoires si propres à l’humain… Et, sur ce point primordial, le mérite revient en grande partie à des interprètes ni plus ni moins grandioses, avec en tête de file le si impressionnant Viggo Mortensen, alors aux côtés d’un surprenant Vincent Cassel ; il conviendrait de citer aussi la charmante Naomi Watts, de quoi compenser le classicisme de son personnage (néanmoins utile comme bien travaillé), ainsi que Armin Mueller-Stahl, aussi inquiétant que charismatique dans son rôle de chef de famille. En conclusion, bien qu’évoluant dans le même registre que A History of Violence, voilà une nouvelle réussite indéniable de Cronenberg, fort de sa mise en scène si efficace et de son propos réfléchis (non alambiqué) ; dommage à présent que Eastern Promises n’est pas eu le même impact que son prédécesseur, car moins dense et plus lent notamment, faisant de ce film une œuvre moins renversante dans sa finalité. L’ensemble reste malgré tout largement à la hauteur de nos espérances, et l’on aurait tort de se priver d’un énième performance magistrale de Viggo Mortensen…