Ceci n’est pas un dessin animé. C’est bien plus que cela. On est plongés dans un flot d’images en noir et blanc pendant un peu plus d’une heure et demie, balancés entre émotions et révolte, aigreur et regrets.
L’histoire est celle de la petite Marjane, 8 ans, iranienne et tellement adorable. Naïve, surtout. Heureuse, élevée par ses parents cultivés et sa grand-mère qui incarne la sagesse, Marjane ne peut qu’être destinée à un futur prometteur – elle s’imagine déjà devenir prophète.
Seulement voilà : nous sommes en 1978 et les révoltes contre le Shah commencent à prendre de l’ampleur. Après l’instauration de la République Islamique, on se rend vite compte que la situation empire et devient de plus en plus insoutenable pour la jeune ado que devient Marjane et qui tente de s’épanouir malgré tout. La petite, inconsciente du danger qui la menace, n’a pas sa langue dans sa poche et s’oppose au système dictatorial, dénonce les problèmes que pose le nouveau système, finit par étudier en Autriche et découvre l’Occident et ses habitants à travers des yeux persans.
Ce film est une adaptation de la bande dessinée autobiographique en quatre volumes de Marjane Satrapi, et s’est vu couronné de deux prix aux Césars en 2008 (Meilleur Premier Film et Meilleure Adaptation) ainsi que du Prix du Jury à Cannes en 2007.
Tous les détails de « Persépolis » touchent le spectateur : la voix de la petite Marjane, sa candeur, les personnages secondaires, mais aussi le graphisme noir et blanc époustouflant qui nous fait oublier l’utilité de la couleur au cinéma. Le dessin est très précis : rien ne manque, rien ne gêne ; les transitions entre les scènes sont parfaitement amenées sans pour autant nuire au message qui demeure extrêmement pertinent et actuel malgré les années qui ont passé depuis.
La dénonciation de la dictature islamique valut au film d’être censuré (doit-on s’en étonner ?) en Iran, jugé comme diffamateur, mais entraîna également des groupes radicaux à des actes terroristes.
On peut déceler au cours du film les phases essentielles d’une révolution et effectuer un parallèle avec la Révolution Russe de 1917 : le peuple se révolte, motivé par l’espoir d’un monde meilleur et se retrouve finalement dans un système dictatorial gouverné par les plus puissants parmi les révolutionnaires.
La partie la plus touchante réside dans l’espoir des Hommes qui veulent un changement libertifère, mais qui se change peu à peu en déception pour finir en désolation. Quand on est au courant de la situation actuelle, les personnages nous paraissent tellement naïfs tout au début du film. On se rend compte que tout aurait pu (dû) se dérouler autrement. Mieux, surtout.
C’est avec un courage phénoménal que Marjane Satrapi nous communique son vécu tragique (et comique) à travers cette merveille du cinéma d’animation, véritable perle de graphisme. Un fragment de vie, rythmé par de la tendresse, de la violence, de l’absurde et infiniment de volonté. / A.D.