J'ai visionné ce film deux fois en y gardant un certain goût amer, pas tant à cause du film même que de l'encensement critique et publique qui l'entoure : comment cette petite fable sur l'éveil d'une enfant, puis d'une adolescente dans un pays tiraillé par de nombreux changements de pouvoir, chargée de bonnes intentions et d'une certaine authenticité certes, mais faisant preuve aussi d'un moralisme assez abject, d'un narcissisme qui pointe par moments et de situations au final assez convenues, puisse avoir autant de succès ? Sans doute cela s'explique par l'origine de sa créatrice et de son côté autobiographique, de ses souvenirs. Cette logique du souvenir ampute pas mal la portée de son film, très beau visuellement, et parfois ingénieux, mais montrant une facette caricaturale, rêveuse, presque inexistance de l'Iran de cette époque. Sans doute Satrapi a-t-elle adopté ce point de vue pour ne pas se rappeller de souvenirs plus douloureux, mais du coup, la porté de son film s'en trouve limitée. Que dire de scènes où elle n'hésite pas à parler aux intégristes ? Elles sont drôles, sans doute, mais paraissent vraiment farfelues, voire irréalistes. Si Persépolis a le mérite de montrer avec justesse l'éveil politique d'une jeune fille, il propose hélas une vision trop conformiste, trop superficielle (à l'exception de Marjanne et de sa grand-mère, tous les autres personnages n'ont aucune existence, en particulier les parents, des 'porte-feuilles sur pattes' on pourrait dire) pour vraiment être convaincante. Le succès du film se trouve sans doute là : dans la représentation d'une jeune fille comme les autres qui aime la musique, les sorties, s'amuser, dans un monde qui nous est très mal connu. Ces repères permettent de s'attacher au film. Vu dans son ensemble, Persépolis se révèle touchant, mais peu réaliste et surtout nombrihiliste, comme le sont souvent les filles de son âge. Cela explique sans doute, mais ne justifie pas, cet enthousiasme excessif des foules.