Vu dans de nombreux festivals, Man push cart a décroché en 2005 le Prix de la Critique Internationale au Festival de Londres et les Prix du public et d'interprétation masculine à Thessalonique. Présenté la même année à la Mostra de Venise, dans le cadre des Journées des auteurs, le film a été sélectionné en 2006 au Festival de Sundance.
"Je suis très intéressé par ce que l'on ne voit pas au cinéma. Pour moi, l'histoire doit venir de la réalité, d'un décor et d'un personnage ancrés dans la société d'aujourd'hui. Pas d'un monde imaginé par un ordinateur. Je veux que mon cinéma soit connecté à ma génération, comme l'était le cinéma américain des années 60 et 70 ou celui du Moyen-Orient ou de l'Asie d'aujourd'hui (...) J'avais envie de montrer qu'un homme dur comme Ahmad, avec une activité physique et une vie difficiles, était aussi très sensible. Les gens ne sont pas ce qu'ils semblent être. L'Asiatique qui nettoie votre table au restaurant n'est pas qu'un garçon de salle. J'ai rencontré énormément de vendeurs ambulants, je suis allé chez eux, j'ai rencontré leurs familles, on a partagé des repas. L'un était journaliste, l'autre ingénieur, un autre avait travaillé pour la télévision afghane. Quelques-uns étaient mariés, d'autres avaient des petites amies. Ils ne font pas que vendre du café et des beignets. Et tous ceux qui leur ou me ressemblent ne sont pas des terroristes."
Man push cart est le deuxième long métrage de Ramin Bahrani, auteur en 2000 de Strangers (son film de fin d'études, présenté dans différents festivals). Né en Caroline du Nord de parents iraniens, Bahrani a étudié le cinéma à la Columbia University de New York. Ce n'est qu'après ses études qu'il s'est rendu pour la première fois en Iran, où il a vécu pendant trois ans. Il a également passé quelque temps à Paris, avant de retourner aux Etats-Unis.
Ramin Bahrani confie avoir été influencé par le fameux récit d'un écrivain français : "Le Mythe de Sisyphe d'Albert Camus a été une source d'inspiration pour mon film. Camus s'est emparé de ce mythe et s'en est servi pour nourrir sa philosophie de l'absurdité de la vie. Quand je regarde autour de moi, aujourd'hui, tout me semble aussi absurde -si ce n'est plus- qu'à l'époque. L'image d'un homme seul, un homme du Moyen-Orient, à New York, après le 11 septembre, tirant son chariot dans les rues, me semble une version contemporaine de ce mythe (...) Mais ce n'est pas une vision noire ou désespérée, en fait c'est tout le contraire ! Nous sommes tous coincés par nos destins et nos propres limites. J'essaie continuellement d'accepter mon destin, tout en luttant pour "aller vers les sommets".
Le cinéaste revient sur son immersion dans l'univers des marchands ambulants, et sa rencontre avec le comédien : "Man push cart se passe dans les rues de NY et se concentre essentiellement sur la communauté sud-est asiatique. Je vis entre Manhattan et Brooklyn depuis une dizaine d'années et j'ai été témoin des changements, en particulier depuis le 11 septembre. J'ai passé deux ans à traîner dans les rues de NY avec les vendeurs ambulants. J'ai rencontré Ahmad Razvi en cherchant mes décors. J'ai rôdé autour de son chariot plusieurs jours. On a commencé à parler, à sympathiser et Ahmad m'a fait rencontrer ses amis, sa communauté. Après un an de conversations avec lui à propos de sa vie, de son passé, du quotidien, je lui ai révélé que le scénario que j'avais écrit était inspiré essentiellement de sa vie et lui ai demandé s'il accepterait de jouer le rôle principal. Il a répondu tout de suite." Ajoutons que Razvi a fondé, après le 11 septembre, une association visant à apporter un soutien logistique, juridique et scolaire aux immigrants est-asiatiques.
La musique du film est signée du compositeur iranien Peyman Yazdanian, qui a notamment collaboré avec Abbas Kiarostami (Le Vent nous emportera) et Jafar Panahi (Sang et or).