"Ne touchez pas à la hache" est le titre original que Balzac avait donné à son roman, avant de changer le titre en "La duchesse de Langeais", qui s'intègre mieux aux titres de la Comédie humaine. A tous les spectateurs qui trouvent ce film ennuyeux, je voudrais demander s'il sont encore capables de lire un roman de Balzac. Car nous sommes là au coeur du problème posé par le cinéma moderne et de la manière dont il avâchi les esprits. Ici, point de musique pour donner à chaque scène une profondeur artificielle. D'ailleurs, en apparté, rares sont les cinéastes qui savent utiliser la musique, Kubrick et Hitchcock sont des maîtres en la matière. Mais Rivette n'entends pas se démarquer de façon trop apparente du livre qu'il adapte. Il est question d'amour fou mais à tour de rôle, d'artifice et de coquetterie de la noblesse sous la Restauration, de la passion dévorante et de la vengeance d'un héros de l'armée Napoléonienne. Cela pourrait aussi faire l'objet d'une pièce de théâtre, car le roman donne la part belle aux dialogues, mais les lents mouvements de caméra de Rivette apportent incontestablement une langueur bienvenue à cette passion douloureuse. Le choix des deux principaux acteurs est sans conteste le bon. Le visage un peu mélancolique, néanmoins toujours digne et souriant, de Jeanne Balibar, apporte à la duchesse ce je-ne-sais-quoi de mystique et de passionné. Retrouvant certaines attitudes de son père, Guillaume Depardieur joue aussi très bien cet officier un peu rustre, mais finalement aussi passionné que cruel. Il y a une terrible leçon de morale derrière cet essai douloureux, on peut penser en particulier au Musset d' "On ne badine pas avec l'amour", mais l'époque, les convenances trop strictes, de cette période d'après chaos semblent plus en cause que la personnalité des deux amants. Ceci, le film le rends très bien, grâce à une reconstitution axée notamment sur les attitudes, autant que sur les décors.