Il existe des oeuvres qui paraissent intemporelles, tant s'en dégage une ambience unique. C'est le cas de Ne touchez pas la hache, dernier opus de Jacques Rivette, peut-être son plus abouti avec La belle noiseuse. Peut-être aussi la plus accessible. Toutefois celà reste du Rivette et la théâtralité de l'ensemble pourra en rebuter certains, mais qu'importe puisque cette oeuvre est majeure dans ce très bon cru français 2007.
En reprenant l'exacte structure de la nouvelle de Balzac, le réalisateur nous offre une véritable leçon de mise en scène, celle tout entière dévouée à ses acteurs, symbolisant le mieux cette histoire d'amour fou. Ne sombrant jamais dans le pathos ou un lyrisme suranné, Rivette filme en plans-séquence posés et classieux (non, il ne tombe pas non plus dans le piège d'un classicisme facile) les réactions, les émotions et les ressentiments de ses personnages.
En celà, Jeanne Balibar se voit offrir là son plus beau rôle, sortant d'un certain figement, celui de son personnage "Desplechino-Podalydesien" des années 90, et exprime, par sa grâce sa naturelle et son charisme hors du commun, le destin d'une femme qui n'est pas à sa place, poursuivant la recherche d'un amour illusoire car inéluctablement tragique. Les rôles vont ainsi petit à petit s'inverser dans un jeu amoureux cruel. Que dire de la prestation de Guillaume Depardieu, sinon qu'elle est aussi époustouflante, tant l'acteur multiplie les pistes d'identification, comme à la recherche d'un idéal, comme en écho à sa propre vie. Il mélange ainsi la force de sa présence physique alliée à sa démarche à une émotion à fleur de peau, toujours très juste, ce dont la duchesse de Langeais s'est aussi aperçue.
Ne touchez pas la hache renoue, avant tout, avec le style de l'histoire d'amour sur fond de jeu en costumes, celui du grand Hollywood des années 40, celui auquel François Ozon fit aussi référence, dans une plus large mesure, dans son récent Angel.A noter les seconds rôles de Piccoli et Ogier.