"Mère et fils" est un film méconnu, qui a très peu été vu, comme d'ailleurs beaucoup de chefs d'oeuvres de Sokourov. Et c'est bien dommage, car il s'agit tout simplement de l'un des plus beaux films du monde. Sokourov le plasticien a réalisé là un travail visuel extraordinaire, rappelant beaucoup la peinture allemande romantique du XIXème siècle (on pense biensûr à Caspar David Friedrich). Anamorphoses, filtres, ciels peints à même le verre de l'objectif de la caméra, sont autant d'artifices permettant au peintre (car c'est un film de peintre) d'inventer des plans d'une beauté miraculeuse. Il faut l'admettre et le reconnaître, on n'a jamais vu de telles images au cinéma. Portraits ou paysages, il n'est pas un seul plan de ces 73 minutes qui ne nous subjugue et on se demande où l'échelle de la beauté va finir par s'arrêter. L'histoire est on ne peut plus simple: un jeune homme dans la force de l'âge veille sa mère sur le chemin de la mort. On pourrait alors craindre le sentimentalisme, le pathos, mais Sokourov ne se place pas sur la sphère du réel, mais sur celle de la poésie, de l'intériorité et du sacré. Bref, il fait de l'art. Nul réalisme ici, nulle représentation ou illustration d'une quelconque vie quotidienne, Sokourov poétise le réel et nous laisse entrevoir l'indicible, l'invisible, l'au-delà des apparences et du sens. Le film baigne ainsi dans une atmosphère cotonneuse emplie de tendresse, de sérénité, de quiétude et nimbée d'une aura irréelle où les mots n'ont que peu d'intérêt. De quoi nous parle-t'il? De la vie, et de l'amour comme moyen de lutter, de résister contre la mort. Et il nous en parle non pas par la dialectique, mais en jouant sur la corde du sensible, de l'émotion, s'adressant directement à notre âme. Lorsqu'il dit que "L'art doit préparer à la mort", Sokourov réussi en tout cas ici à nous laisser percevoir un ailleurs poétique, qui pourrait être comme une espérance au salut de l'âme. Une leçon de vie qui m'a beaucoup ému.