Les princesses ressentent, dit la légende, les émotions plus fortement que les autres. Lhistoire de lamitié naissante de Caye et Zulema, les deux « Princesas », nest pas édulcorée. Malgré des scènes pleines de drôlerie dans les intermèdes se passant au salon de coiffure, malgré lironie du rôle du portable, véritable petit personnage indépendant, et un humour en demi-teinte et amer, cest une vision sans concession de lexistence qui attend ces prostituées, ces femmes fragiles mais en même temps habituées à recevoir des coups au propre comme au figuré. Quand un espoir de sen sortir naît, quand un personnage désintéressé comme Manuel apporte toute la tendresse dont il est capable, on a limpression dune fatalité qui revient les accabler. Candela Pena (qui ressemble un peu à Romane Bohringer) et Micaela Nevarez, une actrice originaire de Porto-Rico, qui a trouvé dans son parcours souvent difficile, linspiration pour incarner avec tant de sensibilité la jeune Zulema perso qui à son tour influença sa vie- ont pris leur rôle très à cur, en allant discuter avec les prostituées de Casa de campo, quartier chaud de Madrid. Lamour, pour Caye, ce ne sont pas les bagues, les cadeaux. Cest quelquun qui vient vous chercher à la sortie du travail. Et la vulnérabilité de Zulema, immigrée dominicaine en quête de papiers, la rendra proie facile pour les hommes sans scrupule. Le film ne tombe pas dans la vulgarité bien que les aspects sordides du plus vieux métier du monde soient évoqués, et ses dangers pas éludés. Cest surtout lhistoire de deux femmes qui prennent conscience de ce quelles veulent vraiment, et vont affronter bien des orages à venir pour laffirmer. La musique de Manu Chao apporte loptimisme qui fait contrepoint à un récit de tonalité sombre. « Me llaman Caye » et « Cinco razones », les deux chansons du film, sont superbement interprétées et leurs notes plus légères éclaicissent un peu les impressions de tristesse.