Film tourmenté, diabolique, délicieusement atypique, There Will Be Blood, si il fait le point sur un pan important de l' Histoire des États Unis, est avant tout une réflexion sur ce qui peut amener un homme à révéler ce qu'il a de plus profond en lui. Poème violent et névrosé, jusqu'au-boutiste, autant magnifique que cruel, There Will Be Blood raconte l'odyssée sanglante d'une Amérique illuminée et assoiffée de pouvoir.
Récit pessimiste mais fascinant dans ce qu'il a d'intime comme dans sa vision propre d'une Amérique en quête de renouveau, Anderson peut donc y faire valoir sa maîtrise de la symbolique très agréable à regarder et plus parlante que de longs dialogues qui paraîtrait ici futiles au milieu de cette photographie splendide dans son aridité.
Trouvant le consensus entre œuvre contemplative et fresque aventureuse, Anderson fait preuve de grande maturité dans la lenteur essentielle avec laquelle il révèle la nature profonde de ses personnages. There Will Be Blood démontre brillamment la complexité de l'être humain, ses cupides et grotesques aspirations comme son génie caché. Métaphore explicite et marquante d'un artiste face à son œuvre, de la perfection qu'il n'atteindra jamais, le film va pouvoir s'étendre ( trop en sa fin ) sur le rapport entre les hommes, quand guidés par leurs avidités ils prendront l'option égoïste. C'est ce choix que fera Daniel Plainview incarné par un Daniel Day Lewis qui habite son personnage avec la démesure qui convient, un homme construit de toute pièces, grandi par ses ambitions, dirigé par sa cupidité, un homme dont le dernier soupçon de sociabilité s'éteindra avec le frère qu'il n'a jamais eu, avec le départ de celui qui n'était pas son fils. De plus en plus inhumain de part ses choix et de part l'importance qu'il prend dans la ville, Anderson magnifie son personnage jusqu'en faire un demi-Dieu, omniscient et complexe, obsédant et respecté, ainsi l'accident qui causera la surdité de son fils va le ramener brutalement à son statut de simple être humain. A l'image de son personnage principal le film créé un malaise fait de non-dits, de promesses non tenues, de corruption et de vices. L'atmosphère y est pesante au fur et à mesure que le film avance et déploie sa folie meurtrière, la tension régnant entre Daniel Plainview et Eli Sunday, leur relation, leurs dialogues de sourds, convergent vers un aboutissement tragique inévitable qu'indiquait le titre au départ, la scène finale, d'une intensité grandissante et oppressante est un florilège d'impertinence et de démence, le résultat concret du conflit d'intérêt des deux êtres et des notions incompatibles que sont la foi et le pragmatisme, dans un dernier acte barbare. Cet affrontement, le film en fait, verra les idées opportunistes prendre le pas sur les simples rituels attentistes, le " It's Finished " de fin arrive alors comme une délivrance.