Ce n'est pas souvent que je crie au surcotage. Dans le cas de There Will Be Blood, cependant, c'est la deuxième fois que je le vois et j'ai toujours envie de répondre au titre : “okay, but when?” Cette question semble en effet être celle que le spectateur DOIT se poser, et on ne songe pas à l'en débarrasser. Le film pose d'emblée ses couleurs noir et rouge : le pétrole et le sang. Le reste, même si l'œuvre déclare aisément son indépendance stylistique, sert à faire attendre les moments où l'un ou l'autre jaillira. Mais faisons les choses dans l'ordre.
Revenant aux racines d'une bonne moitié de l'histoire des USA, Anderson touche à l'âme américaine la plus délicate, celle où se mêlent le souvenir de la construction économique et celui de la crise de 1929. Du derrick à la villa, le chemin parcouru par les oilmen est celui du capitalisme états-unien qui aura dirigé le monde pendant près d'un siècle. Yep, le réalisateur nous fait barboter dans les flaques de pétrole au côté d'un bébé nation qui est en train de s'apprendre la domination mondiale.
Tout ça, c'est accordé. Tout comme la beauté visuelle du film, d'ailleurs, qui s'accapare les décors naturels avec autant de sérieux que de technique. Mais je ne faisais pas de procès d'intention : derrière cet éblouissement de l'instant T, le résultat ne semble pas concorder.
Beaucoup de ses éléments doivent être considérés comme acquis : Daniel Plainview est un pétrolier. Okay. Il adopte un enfant. Okay. Il veut forer. Okay. Il rencontre un prêtre fanatique. Son "frère" le retrouve et collabore avec lui. Okay, mais stop. Pourquoi tout ça ? En mettant à part le rôle de Paul Dano (qu'il tient si bien) de religieux un peu fêlé qui peut illustrer une autre forme de genèse des USA modernes, que sont ces motifs sinon des rebondissements gratuits ? Tout semble sorti d'un chapeau, d'un néant caché dans les coulisses.
There Will Be Blood a un fond très expressif. Ça, il suffit de voir le visage de Day-Lewis couvert de pétrole (noir) et le visage illuminé (en rouge) par son derrick en flammes pour y voir la métaphore du diable capitaliste. En apparence bon samaritain et père aimant, il va se laisser prendre au piège de la richesse avant tout le monde, ce qui le corrompra. Malgré tout, en-dehors du sous-texte, c'est un film ambiancé mais pas émotionnant ; c'est un film qui fait ce que le public attend ; et enfin, c'est un film qui ne sait pas remplir ses lenteurs.
Voilà pour l'inconfortable critique de mon « oui mais ». There Will Be Blood est un bon moment, oui, mais quand est-ce que le sang coulera ?
→ https://septiemeartetdemi.com/