L'histoire d'un chercheur d'argent qui va faire fortune dans le pétrole, à quel prix.
Je ne sais pas qui était dans le jury des Oscars cette année, mais il faut admettre que « There will be blood » est de très loin le meilleur film américain depuis longtemps. Et Day Lewis explose les limites du talent typé Actors studio. Le deuxième choix des frères Cohen étant dans la même lignée, celle de l'excellence.
Ces films montrent à quel point le cinéma hollywoodien est devenu mature, peut-être parce qu'il n'est plus uniquement le divertissement des masses, que l'âge moyen des cinéphiles s'est allongé, ou enfin que le dogme républicain de la morale puritaine est enfin en train de disparaître devant la complexité du monde qui nous entoure, en tant que victime du manichéisme de l'époque des héros, je suis impatient de voir la mentalité dans 20 ans des jeunes de 15 ans qui regardent aujourd'hui ce petit chef d'œuvre.
Avant, les seuls héros qui échappaient à la mièvrerie du bon gars moral tout en paraissant réaliste car méchant comme un humain était toujours le méchant. « Le parrain », « Platoon », « Blade Runner », et « Scarface » sans parler des Sergio Leone. Aujourd'hui, les jeunes réalisateurs osent enfin montrer que les héros ont du sang sur les mains. Et des idées pas très catholiques.
Effectivement, dommage pour Clooney qui a fait son boulot parfaitement tout en demi-teinte dans l'excellent « Michael Clayton », ici, c'est de la dynamite sans retenue, et c'est imbattable.
Ce film est superbe de bout en bout, il remet à plat beaucoup de codes des films historiques, d'action ou dramatiques. La psychologie est abordée en filigrane, sauf dans une scène où tout est résumé, mais dans l'ensemble, les silences de Day sont plus parlants que beaucoup de mélodrames bavards actuels.
La fin et quelques scènes sont extraordinaires, parce que senties, comme avec la plus forte haine, la plus grande humanité, pas celle des fleurs bleues et de la faiblesse de la civilisation, celle des survivants.
C'est aussi une virulente critique de la lâcheté des hommes, celle de la religion en premier lieu, celle du sentimentalisme, et enfin des dés truqués du capitalisme des « gros ». Certaines scènes sont hallucinantes, tellement tout est résumé en peu de plans, et peu de dialogues. Et généralement de manière surprenante, car on ne sait pas ce qu'il y a dans tous ces crânes.
Bref, Day Lewis campe ici mon héros rêvé, c'est un plaisir innatendu. Un mysanthrope qui déteste son prochain avec tellement de raisons et de force que c'en est jubilatoire.
Le défaut le plus flagrant est le peu de maquillage pour faire croire aux 15 ans ou plus qui séparent les deux périodes du film, et c'est bien dommage, car ce n'était pas le plus difficile à réussir. La photo alterne des choses ordinaires avec le très grand cinémascope. A part ça, j'étais tellement bluffé que je n'ai pas remarqué grand chose, enfin si, la flaque de pétrole sur la caméra est le genre de chose qui m'énerve toujours, car antynomique de la condition du spectateur extérieur d'un récit, mais c'est sans doute une scène que le réalisateur ne pouvait pas tourner deux fois.
Un film tellement parfait et moderne que je préfère ne plus rien écrire, allez-y, vous ne le regretterez pas si vous avez le cœur bien accroché. Par ailleurs, ce n'est pas spécialement un film sur le pétrole, mais bien sur la réussite (matérielle) américaine et ses combattants.
On ne peut pas conclure sans évoquer la musique. C'est une resucée de la BO de Georges Delerue dans « Police Python 357 », mais elle est magistrale, envoûtante, anachronique, jouant d'un modernisme contemporain pour mieux surprendre et faire vivre la violence d'une société qui n'a jamais compté que sur elle-même pour survivre. Les fans de Radiohead n'y trouveront aucune ressemblance, sauf sans doute le génie artistique, mais cette fois sans fausses notes.
Sans parler d'un bien agréable Brahms servant à regarder tranquillement le générique de fin, pour ne pas sortir trop brutalement dans ce quotidien parisien si ordinaire et lâchement politiquement correct.
Enfin, c'est le même réalisateur que l'excellent et ultra contemporain « Punch drunk love ». Bon sang ne saurait mentir.