Âpre, violent et discrètement grandiose, There Will Be Blood, le chef d'oeuvre de Paul Thomas Anderson est à la hauteur de sa réputation. Dans ce long film exclusivement masculin, Daniel Day Lewis incarne avec l'immense talent qu'on lui connaît un prospecteur devenu un magnat du pétrole (pensez un peu à James Dean dans Geant). Ce dernier va se heurter au prédicateur évangéliste, excellent Paul Dano, du village qu'il a "colonisé" avec ses derricks. Leur rivalité, leurs affrontements est au centre du film.L'ancrage historique du film est remarquable. Semi-Western désenchanté, lyrique, sans concession, drame déchirant, There Will Be Blood oppose par ses deux personnages principaux deux des plus grandes valeurs de l'Amérique poussées à l'extrême : le capitalisme, le self-made man misanthrope qu'est Day-Lewis à la ferveur religieuse transformée en hystérie de Paul Dano. Et ces deux personnages, malgré leur bonnes intentions au départ sont tous les deux deux pécheurs : Day Lewis abandonne son films, boit, ment aux gens et Paul Dano avoue être un grand pécheur, il fait des sermons lyriques inutiles et mensongers. Ce pessimisme, ce tragique, hante tout le film. Aucune rédemption n'est donc possible pour cette Amérique. Pas plus pour le fils adoptif de Day Lewis
(qu'il rejettera au dernier moment)
qui devient sourd à cause du dieu qui provoque la chute de tous les personnages : le pétrole. Jaillissant du sol, splendide, merveilleux, ramenant les hommes à de simples chercheurs de trésor, le pétrole les fascine et les détourne de leur humanité. En effet, le film est rempli de métaphores bibliques très puissantes : Moïse, Isaac, Caïn et Abel...Le pétrole est la manne du désert, la richesse venue de nulle part. Ce pétrole est aussi le sang du titre : recouvrant les hommes, le visage déchiré de Daniel Day Lewis, il est dangereux, inquiétant et annonce le vrai sang, celui de la fin.There Will Be Blood c'est donc tout ça : un film sur la Chute, comme Barry Lyndon, qui allie le grandiose et l'intimiste, comme La Porte du paradis, avec une bande originale sublime, c'est un drame terrifiant où la haine du père pour son fils n'est que sa propre haine de soi.Paul Thomas Anderson filme tout cela avec une très, très grande maîtrise, on pense à la scène du derrick en feu. Il réalise un chef d'oeuvre instantané, un film culte, un très grand moment de cinéma