Le pari, risqué, a le mérite d'être tenu jusqu'au bout. Dans une veine contemporaine reflétant le spectre de Melville, Alain Corneau revisite le chef-d'oeuvre éponyme du grand cinéaste français, en utilisant un maximum de la nouvelle technologie, en sophistiquant à son paroxysme les techniques du cinéma pour en tirer le plus visible contraire esthétique de son prédecesseur. Du moment que l'on aime les défis, les remix, les gueules d'acteur et les voix rocailleuses, le plaisir ne se cachera pas à vous. Partant du mythe pour le désintégrer, le retoucher, le rhabiller, Alain Corneau, tel un DJ du cinéma, revoit à fond l'esthétisme pour en trouver l'exact opposé - du N&B vieillot aux couleurs ultra-saturées, de la précision du temps aux ralentis abondants - , quitte à donner à son film une allure de boîte de nuit ambulante (comme lors d'une scène de dialogue de 5 minutes sur néon violet). Pourtant, il n'y a rien d'ampoulé dans ce film, car la maîtrise des lumières resplendit d'un moment à l'autre. L'utilisation intelligente et ample de la caméra, capte ce qu'il faut, mélange les couleurs comme un pinceau tenu par un grand artiste-peintre. Et de l'autre côté, il y a l'impressionnant casting, dirigé de main de maître (mentions spéciales à Michel Blanc et Jacques Dutronc), dans lequel chacun des acteurs trouve une place de choix. Bien positionnés dans leurs rôles, ils font revivre, grâce à des dialogues savoureux à la Audiard (en réalité de José Giovanni), ces anciennes gueules burinées du cinéma français. Tous splendides (Duvauchelle atteint une belle maturité dans l'expression, Melki est irrésistible et sobre, Auteuil égal à lui-même), ils sont une bonne raison de voir ce deuxième souffle futuriste mais au charme pourtant bien d'antan. Corneau a donc su manier avec beauté (quelle mise en scène!) et générosité le classique (atmosphère moite et sombre superbement retranscrite, dialogues ironiques, etc... ), et la nouveauté (les parti pris esthétiques, les ralentis, les fus