L'histoire d'un mec qui n'a pas tout compris à la politique de droite, et qui va le payer chèrement.
Plusieurs administrations, ne devrait-on pas dire plusieurs fonctionnaires de quelques administrations, vont faire vivre à un rebelle du dimanche un véritable cauchemar. Melki puis son épouse vont côtoyer un univers kafkaïen pour réussir à sortir d'un engrenage infernal.
Tout ce que l'on voit dans ce film, deux faits divers le montrent rien que cette semaine, notamment la mise en garde à vue pour reconduite à la frontière d'une médecin de stature internationale qui avait le défaut d'être un peu trop africaine aux yeux de certains policiers de Roissy.
Ce qui est très grave, c'est qu'il ne s'agit pas uniquement d'un fantasme de bobo socialo démago. A force d'engager des jeunes de la cité et autres bac rien dans la police, les hôpitaux et autres administrations, à force de faire des procédures de plus en plus complexes et déshumanisées au possible, les faits divers commencent à regorger de ce type d'hallucinations administratives à la française. C'est grave aussi parce que Sarkozy étant désormais au pouvoir, les incompétents de chaque administrations vont se sentir couverts pour restaurer un état de droit, bavures et corruption comprise.
Effectivement, Melki joue un rôle dangereux, l'homme désabusé qui trouve que ses libertés sont bafouées l'une après l'autre au nom de son bien-être. Sauf que pour lui, fumer ou penser qu'on a pas le droit de licencier sans raisons plus cohérente qu'un petit dépassement de notes de frais sont des éléments de sa liberté. Il n'a pas envie de l'abandonner sous prétexte que les temps sont durs ou que l'ordre établi est de plus en plus brutal et liberticide.
On arrive donc à une confrontation entre une personne dégoûtée de voir une France américanisée jusqu'au politiquement correct, et des fonctionnaires qui commencent à croire vue leur grande largeur d'esprit que tout leur est permis, notamment le droit de ne pas remettre en cause leurs méthodes et leur sûreté de pensée.
On peut crier à la caricature, notamment dans le cas de l'hôpital psychiatrique, mais hélas, des expériences proches me laissent penser que la limite entre le délire et le hors norme est très mince, et les petits d'esprit auront vite fait de ne pas vouloir s'encombrer de scrupules ou de réflexions.
Le film est un chef d'oeuvre du genre puisqu'il part de situations « calmes », tout se passe dans la tranquilité. C'est bien plus réaliste que les scènes d'urgences des documentaires sur la police ou la santé. Les protagonistes, en plus de bien jouer, montrent le poids des frustrations quotidiennes, de la force qu'il faut pour se sentir humain et respecté en tant que tel, et d'avoir finalement le courage parfois, dangereux, d'exprimer cette humanité face à des corps de métiers qui, faute de niveau intellectuel suffisant ou faute de moyens ou d'effectifs vont tout bâcler pour en arriver à une catastrophe.
C'est un film qui fait froid dans le dos, car on est en plein dedans. Il suffit souvent qu'un peu de mauvaise foi du côté de la victime fasse que tout se passe mal, mais entre la mauvaise foi et l'accident ou la fatigue, la frontière peut être très floue. Gaffe dehors !
La force du script réside dans la fin, et comme tous les critiques avant moi, j'aurais l'élégance de ne pas la dévoiler. Car elle résume assez bien la société dans laquelle on vit depuis une dizaine d'année.
Sachez seulement qu'après avoir cassé du sucre sur nos administrations les plus importantes, la réalisatrice a décidé de régler son compte à cette incroyable hypocrisie qu'est le marché du travail. Ce n'est pas le sujet principal comme dans « Le couperet », mais ça vaut son pesant d'or quand même.
Au niveau des problèmes, on a une vision très aléatoire de Paris, puisque lorsque l'on sort de la station « Porte des Lilas », on se retrouve devant le MK2 Bibliothèque avenue de France, chacun sait qu'il s'agit de la station Chevaleret. Comme c'est un film qui ne fera pas long feu en province, c'est un peu dommage que le manque de budget fasse des situations aussi invraisemblables, les autres scènes n'ayant d'ailleurs aucune cohérence géographiques (le bar à Bel Air, et autres bistrot manifestement dans le 18 ou le 14ème) et un peu de banlieue pour couronner le tout. Je me demande même si l'appart du couple n'est pas celui dans le film « Le pressentiment » de Darroussin.
Un film d'actualité comme « Le candidat », mais qui critique ouvertement le système visible et non les hommes de l'ombre. Allez, tout n'est pas perdu, dans chaque administration, il y a des fonctionnaires formidables, des bacs 3 qui savent ce que la souplesse et l'intelligence veut dire, et ce film montre en fait les extrêmes qui arrivent quand plusieurs paramètres se mettent en place en même temps.