Dernier film d'André Téchiné, «Les Témoins» (France, 2007) aborde le thème de l'apparition du SIDA dans les années 80. Introduction dans le milieu homosexuel, victime principal du SIDA dans les pays développés, dans l'engouement général pour une période véloce où devient commun la surconsommation, où naissent les beats haletants du rap, de la techno et d'une nouvelle variété (cf. Les Rita Mitsouko) . C'est en arrière plan que se passent tout ces changements, car c'est bel et bien dans le SIDA que creuse Téchiné. Au début rien ne nous est dit, sur fond de générique rapide et oppressant, le film s'ouvre. Ce n'est qu'au fil du film que se dévoile la réel thématique (exergue du SIDA et de l'homosexualité). Déjà par l'empressement de l'ouverture, Téchiné témoigne de sa nécessité de témoigner. Il, le réalisateur, les acteurs et nous, ce trio cinématographique, nous sommes Les Témoins. Dire la naissance du SIDA, oui, mais vite pour Téchiné. Cette rapidité ne percute jamais dans le néant, elle ne souffre d'aucune maladresse, car André Téchiné maîtrise son propos et sait quoi dire sur ce sujet touchant et personnel. Car si « Les Témoins» touche c'est car le SIDA est encore présent et nous concerne tous. On se sent donc d'autant plus concerné par la décrépitude maladive de Manu (Johan Libéreau), illustré sans apparats. Soutenu par une musique classique, opposée à la culture populaire de l'époque et pourtant tellement en adéquation, le film possède un air de tragédie mais un tragédie vraie qui repose sur une expérience réelle et mondiale. C'est aussi pour ça que «Les Témoins» est un chef d'oeuvre, car s'il s'ancre dans une époque, il touche toutes les contrées, tant l'Europe développée que l'Afrique de l'apartheid. André Téchiné, en auteur de génie réussi à conjuguer sa direction d'acteur singulière à sa réalisation et son montage qui, appuyé par des gros plans et des plans d'ensemble, n'est pas sans rappeler ses origines de la Nouvelle Vague.