D'une densité étourdissante, véhiculant une philosophie universelle, Les Témoins est un film qui, de sa forme documentaire presque pédagogique, n'est en fait que la surface où l'étude de l'être humain est non seulement d'une incroyable vérité mais surtout le sujet premier de cette étude de caractère. En l'occurrence, on nous parle d'amour. Toute d'abord, il y a Adrien, interprété par Michel Blanc ; celui-ci tombe amoureux du jeune garçon Manu, incarné par l'extraordinaire Johan Libéreau ; une relation ambiguë se tisse entre les deux personnages, entre l'amitié, la passion cachée, pudiquement voilée. Mais lorsque Mehdi, joué par le talentueux Sami Bouajila, rencontre Manu, une aventure homosexuelle débute pour ce dernier et c'est en même temps la découverte de la bisexualité pour l'autre, déclenchant la jalousie d'Adrien. Dans ce tourbillon de passion, d'amour, de relation, physique ou amicale, sincère ou matérielle, entre tous ces degrés sur une échelle abstraite et illimitée, rien n'est définit, ni définitif. Le réalisateur peint l'âme humaine sous sa plus parfaite complexité. De son côté, Emmanuelle Béart symbolise la femme moderne en malaise avec son temps, ne pouvant accepter son statut de mère dont l'origine serait de procréer, d'élever et de mourir : elle veut vivre mais refuse son rôle soit disant naturel. Pour Julie Depardieu, soeur de Manu, elle tente de se faire une place de cantatrice à l'Opéra, ce spectacle "total" où l'artifice contredit sa condition précaire. Puis, dans tout cet ouragan de caractères, éclate le sida, une maladie qui détruira Manu. Ainsi, on pourrait penser que tous ces personnages, plus ou moins proches de cet individu sous l'emprise de la maladie, auraient comme un sentiment de compassion, d'altruisme. D'un côté, ils le sont ; pas totalement cependant. Les Témoins, c'est aussi la quête du bonheur individuel. Âpre, cette vision nous déshumanise et nous humanise en même temps, rufusant totalement de nous idéaliser. Un chef d'oeuvre