En voilà une, de comédie bien sympathique ! Mais quand je vois la note moyenne donnée par le public, je dois avouer que je suis assez outré. Enfin pas outré, disons étonné. Oui ça m’interpelle, car "Madame Irma" parle d’un événement qui peut arriver à n’importe qui, que ce soit un cadre grassement payé ou que ce soit un travailleur smicard. Et je vais même plus loin en affirmant que de plus en plus de nos jours, le rythme de vie du particulier se calque sur les revenus du foyer, sans parler de ceux qui vivent au-dessus de leurs moyens. Alors quand on perd son job contre toute attente et qu’on a des crédits et un rythme de vie à honorer, il y a de quoi perdre les pédales ! Surtout quand on craint le qu’en dira-t-on et que le paraître et la fierté sont plus forts que tout. Evidemment, lorsqu’on découvre ce dont il s’agit, le titre se révèle malheureux car il indique plus ou moins comment le personnage principal va rebondir. Mais comme je le disais, ça reste tout de même un sujet sensible et d’actualité. Alors certes ce n’est pas la comédie du siècle, cependant le tandem Didier Bourdon / Yves Fajnberg a le mérite de traiter tout cela avec une certaine légèreté. Le ton est donné d’entrée par un rythme dynamique avec une petite touche de caricature sur le personnage principal. Cela a le mérite de dresser en à peine quelques minutes le portrait d’un homme qui ne pense qu’à sa seule petite personne et son confort. "Madame Irma" a beau dater de 2006, on constate déjà à quel point il est difficile de retrouver du boulot, à plus forte raison quand on est considéré comme un travailleur senior ! Rien qu’en cela, cette petite comédie n’est déjà pas si innocente que ça. Hé hé ! Pourtant ce n’est pas faute de chercher, entre petites annonces et entretiens peu concluants à l’ANPE (tu m’étonnes, quand on sait que l’ANPE était synonyme de Avec Nous Peu d’Espoir…). Eh oui, Francis a traversé la rue pour trouver un emploi, et plus d’une fois ! C’est finalement dans un grand instant d’immense dépit qu’il trouve la bonne idée, une idée trouvée par le coscénariste Frédéric Petitjean après avoir lu un article qui parlait de l'importance du marché de la voyance. Ce phénomène est resté plus ou moins tabou, car il faut reconnaître que bien peu de personnes avouent avoir recours aux sciences occultes. On parle pourtant d'une économie de plusieurs dizaines de millions d'euros, si ce ne sont pas des centaines ! La preuve, il existe même un salon de la voyance. Mais bon quoi qu’il en soit, en dépit de quelques facilités scénaristiques sur des sujets qui auraient mérité un peu plus de développement
(comme la fermeture pure et simple de l’annexe de la société, l’évocation de la mobilité de l’emploi…)
voire même un peu plus de sérieux, "Madame Irma" vaut tout de même le coup d’œil par la succession de consultations dans le petit espace offert par la caravane. Et rien que pour ça, on pardonnera aisément l’incohérence qui laisse entendre qu’on peut s’installer en toute impunité avec une caravane sur n’importe quel trottoir pour y faire un commerce sans que la municipalité trouve à redire. Après, je comprends que ce film puisse être considéré comme un outil visant à servir la gloire de Didier Bourdon. Il est clair que son travestissement vaut son pesant de cacahuètes et est à l’origine de quelques situations truculentes, jusque dans le bistrot d’à côté ou carrément à domicile
(avec le chien qui bouffe les ongles)
. On doit reconnaître malgré tout que Didier Bourdon joue avec brio cette voyante improvisée, et rappelle du même coup certains comédiens qui se sont travestis sans toutefois les égaler. Parfois drôle, souvent ridicule, Francis/Irma parvient de temps en temps à nous toucher, que ce soit en homme déprimé par sa nouvelle et subite condition ou en voyante au drôle d'accent. Bien sûr, l’image de la voyance s’en trouve écorchée et on décèle un parti pris concernant ce domaine d’activités en le fustigeant d’arnaque pure et simple. Cela dit, il est vrai que les arnaques sont légions là-dedans. Et puis ensuite s’opère une prise de conscience, un peu forcée certes, mais qui ressemble à s’y méprendre à une morale. Certains déplorent un ton qui devient gnangnan à partir du moment où la tromperie est découverte, mais c’est le prix à payer quand on veut arriver à une conclusion visant à prôner le dialogue, en particulier dans la vie de couple. Donc oui, cette petite comédie à budget serré se suit sans déplaisir, d’autant qu’elle a le mérite de donner à réfléchir en remettant les choses essentielles à leur place.