Les Irish travellers sont une minorité indigène de la société irlandaise dont le mode de vie est déterminé par une culture nomade. Ils ont été marginalisés par les habitants sédentaires d'Irlande et subissent le même racisme que les gitants. Ils sont aujourd'hui plus de 25 000 (contre 3 000 dans les années 1960), surtout des enfants, et ont une espérance de vie peu élevée (40 ans en moyenne).
Le nomadisme a donné un état d'esprit aux Irish travellers qui leur est propre, et s'ils occupent parfois des maisons, ce n'est que temporaire. La crise des logements des travellers a été mise en évidence par différents gouvernements Irlandais : la plupart vivent encore au bord des routes, sans accès à un confort minimal tel que l'eau courante ou l'électricité. Beaucoup d'autres vivent dans des logements sociaux mal entretenus et souvent situés dans des zones insalubres et dangereuses. L'accès aux soins, à la scolarisation, à la sécurité sociale et aux autres services sociaux est encore pour eux problématique.
Pavee Lackeen, la fille du voyage est la première réalisation de Perry Ogden. Cet anglais est surtout connu pour son travail en tant que photographe ; il a exposé dans les quatre coins de l'Europe : de l'Angleterre à la France, en passant par la Suisse ou le Portugal.
Lorsqu'à la fin des années 1990, Perry Ogden se rend à Dublin pour réaliser "Poney kids", une série de photographies sur des enfants du voyage qui occupent de poneys sauvages dans des haras désafectés, il ne se rend pas encore compte de l'étendu de son sujet. Il les photographie pendant trois ans, jusqu'à ce que leur activité soit rendue illégale à cause des lois protègeant les enfants mineurs. L'exposition "Poney kids" est un succès et un livre regroupant ces photos est imprimé, propulsant les enfants au statut d'icône, victimes des discriminations sociales.
Perry Ogden décide de rester impliqué et continue à suivre le parcours des enfants, les interviewant et les photographiant, assistant à leur procès avec son scènariste Mark Venner. Il passe deux ans au Tribunal pour Enfants de Dublin et prend alors conscience de l'importance du nombre d'enfants impliqués dans des procédures judiciaires. Il décide alors d'en faire un film, et commence l'écriture de ce qui deviendra Pavee Lackeen.
Perry Ogden a rencontré Winnie, l'héroïne de Pavee Lackeen alors qu'il attendait des jeunes qu'il devait interviewer. C'est elle qui l'a abordé, lui demandant de lui expliquer sa démarche. Elle l'a ensuite conduit à sa caravane et lui a raconté son histoire atypique. "Je pouvais voir son imagination se déployer au fil des histoires invraisemblables qu'elle me racontait", confie le réalisateur. "C'était assez fantastique. Cette fille me semblait tellement extraordinaire. Innocente et curieuse en même temps. J'ai su à cet instant qu'elle serait l'héroïne de mon film".
Perry Ogden a choisi de faire jouer dans son film des jeunes qui ne sont pas acteurs, par souci d'authenticité. Si Winnie Maughan et ses soeurs ont très vite joué le jeu et ont fait totalement confiance au réalisateur, la mère de Winnie s'est elle montrée plus réticente, cherchant sans cesse à contrôler son image. Ogden a toutefois fini par établir une véritable relation quand celle-ci a compris que le film était au final une bonne chose pour elle et sa famille.
Avant sa rencontre avec Winnie, Perry Ogden avait divisé le scénario en trois parties : une partie racontait l'histoire d'une jeune fille du voyage, une autre narrait les aventures d'un homme, sédentaire (un "settled boy") et une dernière enfin se concentrait sur un homme d'origine africaine. Mais en voyant les 30 premières minutes qu'il avait filmé sur Winnie, le réalisateur a compris qu'il tenait là un sujet très fort émotionnellement et qu'il fallait se concentrer sur la jeune fille qui "s'imposait par sa présence, à la fois intense et pleine de vie".
Perry Ogden s'est inspiré pour Pavee Lackeen des Réprouvés, un film de Luis Buñuel retraçant le quotidien d'enfants des bas-fonds de Mexico et de Streetwise, un documentaire de Martin Bell sur la jeunesse dans les rues de Seattle durant les années 1970. Ce documentaire est d'ailleurs inspiré d'une série de photographies de Mary Ellen Mark, dont l'oeuvre est marquée par son intérêt pour les marginaux.
En 2006, Pavee Lackeen a fait partie de la sélection officielle des Premiers Plans à Angers, un festival consacré aux premiers long-métrages européen.