Mauvaise foi marque les débuts derrière la caméra du comédien Roschdy Zem, qui a déjà tourné dans plus de 50 longs métrages, parmi lesquels En avoir (ou pas), L'Autre côté de la mer, Vivre au paradis, 36 Quai des Orfèvres ou Le Petit lieutenant. 2006 est décidément pour lui une riche année puisqu'il fut en mai l'un des cinq lauréats du Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes pour Indigènes de Rachid Bouchareb.
Roschdy Zem explique ce qu'il a conduit à réaliser ce premier film : "Un jour, Philippe Godeau, le producteur du film, m'a proposé d'écrire un scénario sur une relation entre une juive et un arabe en France. Il pensait qu'il y avait là un vrai sujet de film (...) Au départ, je devais seulement écrire le film et jouer dedans. Mais après la première version du scénario, quand on a commencé à chercher un réalisateur, Philippe m'a fait comprendre qu'il serait plus tranquille si c'était moi qui réalisais le film. Il est vrai qu'en écrivant, j'avais des images en tête, des plans du film... J'ai donc fini par accepter de réaliser Mauvaise foi, tout en gardant ce joli rôle que je m'étais écrit, tout ça de manière cohérente et poussé par Philippe Godeau."
Au départ, l'acteur-réalisateur pensait qu'il réaliserait une comédie pure. Mais le projet a évolué, incluant davantage d'émotion et de gravité. (...) spontanément, j'ai voulu traiter le sujet sous forme de comédie. Mais il s'est passé une chose surprenante, c'est qu'assez tard dans la phase d'écriture -surtout pendant le tournage- une forme d'âpreté est venue se calquer sur le film, assez naturellement, confie Roschdy Zem. Sa partenaire dans le film, Cécile de France, a elle aussi perçu ce changement : "Je pensais que le film serait plus léger, que la part de comédie prendrait vraiment le dessus. Or j'ai été surprise pendant le tournage, de voir qu'on allait vers quelque chose de plus profond encore que ce qui était écrit dans le scénario. C'est rare d'avoir cette sensation. Je trouve que ce travail est très ambitieux."
Avec Mauvaise foi, Roschdy Zem entend mettre à mal clichés et amalgames : "J'ai voulu qu'Ismaël sorte des clichés des personnages arabes au cinéma. C'est pourquoi j'en ai fait un professeur de musique, passionné de jazz (...) On parle de plus en plus de religion aujourd'hui. Les acteurs, les chanteurs ou les sportifs parlent davantage de leur foi que de leur activité. Surtout, chacun se vante d'avoir une religion qui prône la tolérance et la paix, mais, quand on regarde de plus près, cette tolérance est assez limitée.(...) Et puis j'en ai assez de l'amalgame ! Aujourd'hui, l'Islam dont on parle, c'est celui des pays qui souffrent : le Pakistan, l'Irak, la Palestine. Quand il y a souffrance, on tombe dans l'extrême. L'Islam dont j'ai voulu parler dans mon film, celui de la deuxième génération d'immigrés, est simplement spirituel. C'est celui-là qu'on a voulu montrer. De même (...) [les personnages juifs du films] sont français avant d'être Juifs et ne sont pas dans des pratiques excessives. J'ai fait de même avec les Musulmans".
Roschdy Zem a écrit le scénario en compagnie de Pascal Elbé, comédien qui a lui aussi plusieurs cordes à son arc : il avait déjà co-signé le script de Père et fils, et écrit une pièce de théâtre, Pour ceux qui restent, mise en scène en 2006 par un autre acteur : Charles Berling. "Au-delà du fait que j'ai apprécié de travailler avec lui, il est juif et cela s'est révélé primordial sur ce travail, précisément", révèle Zem. "Pendant l'écriture, je me demandais souvent jusqu'où je pouvais aller dans l'humour juif et dans la dérision à l'égard de l'Islam. Or, assez vite, en parlant de cela avec Pascal, j'ai constaté que j'avais tendance à le freiner dans son humour sur les Juifs et qu'il me freinait sur ce que je disais à propos des Musulmans. La censure ne venait donc pas d'où l'on pouvait l'attendre !" Le cinéaste a enfin fait appel à Agnès De Sacy pour l'aider dans l'écriture des personnages féminins.
Roschdy Zem précise ses intentions : "Le couple mixte n'est pas un sujet grave en soi. S'il peut apparaître comme tel aujourd'hui, c'est parce qu'on est dans une période de repli communautaire et qu'on s'approprie un conflit (israélo-palestinien) qui a lieu à des milliers de kilomètres de chez nous. Ce que j'ai voulu montrer aussi, c'est que la différence entre Clara et Ismaël aurait pu être tout autre. Tout le monde a connu ce type de situation, mais sous différentes formes. Il y a des couples qui ont connu des difficultés parce qu'ils étaient issus de couches sociales différentes. Il n'y a pas que des histoires de race ou de religion qui causent des difficultés. Pour les familles, quand quelqu'un arrive et ne leur ressemble pas, c'est souvent problématique. Mon film est un film sur le compromis. Aujourd'hui, les gens ne veulent plus en faire. Or, moi, je pense qu'on ne peut avancer, dans la vie, qu'avec des compromis !"
La bande originale du film a été confiée à Souad Massi, artiste algérienne dont les chansons aux accents folk connaîssent un beau succès en France. Né à Alger en 1972, elle commence par travailler dans un cabinet d'urbanisme tout en se lançant dans une carrière musicale. A la suite d'une prestation remarquée au Festival Femmes d'Alger en 1999, elle enregistre son premier album, Raoui, sorti en 2001. Suivent deux autres disques, Deb en 2003 et Mesk Elil en 2005. En 2006, on l'entend au générique de fin d'un autre film sur la tolérance : elle interprète La Chanson d'Azur et Asmar qui clôt le dessin animé de Michel Ocelot.
La chanson du générique de fin est interprétée en duo par Souad Massi et Gad Elmaleh, un ami de longue date de Roschdy Zem. C'est d'ailleurs le père du comédien et humoriste, qui fut lui-même mime, qui joue le rôle du médecin dans Mauvaise foi.
Fredo, un des copains du héros Ismaël, est interprété par Antoine Chappey, un comédien qui a souvent été le partenaire à l'écran de Roschdy Zem, notamment dans Le Petit lieutenant de Xavier Beauvois. Celui-ci fait d'ailleurs une apparition clin d'oeil dans Mauvaise foi.
Naïma Elmcherqui, qui incarne la mère de Roschdy Zem, tient un petit rôle dans Indigènes.