En 2006, cela fait dix ans que Sylvester Stallone enchaine échecs sur échecs malgré le succès critique du magnifique Copland (où il offre une performance exceptionnelle) et le succès de quelques films où il n'a qu'un rôle secondaire (Fourmiz, Taxi 3, Spy kids 3 : Mission 3D). Il passe donc aux yeux de tous pour un acteur fini. Cependant, il désire montrer qu'il peut encore tenir le coup et décide de faire revenir une ultime fois Rocky Balboa.
Il utilise à nouveau le personnage comme miroir de sa carrière actuelle et offre le plus beau film de la saga avec le premier. Il y retrouve l'émotion du film original en montrant un personnage, rongé par les épreuves de la vie
(il vit dans le souvenir d'Adrian, morte trois auparavant, et est plus ou moins mis à distance par son propre fils, agacé de devoir vivre dans l'ombre de son père)
et qui décide de remonter sur le ring malgré son âge pour montrer qu'il n'est pas complètement fini. Comme dans le premier film, le résultat du match lui importe peu : ce qui compte c'est de montrer qu'il peut garder la tête haute
(la fin choisie est d'ailleurs plus logique et meilleure que la fin alternative visible en DVD car elle conserve jusqu'au bout cette optique)
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Le scénario, brillant, est une belle réflexion nostalgique sur la vie et la vieillesse et arrive l'exploit incroyable de rendre crédible son combat contre le champion du monde, qui pour une fois n'est pas montré comme un véritable méchant (même si cela était discutable concernant Apollo Creed) mais comme un champion souffrant du manque de reconnaissance dont il est l'objet malgré tous ses succès. De plus, la relation entre Rocky et son fils et celle pleine de pudeur et allant à l'encontre de l'habituelle love story qu'il entretient avec "la petite" Marie, ressurgie du premier épisode (elle devait revenir dans Rocky V, interprétée par l'actrice d'origine, mais la séquence avait été coupée), sont très crédibles. Outre le fait que l'on regrette que l'épisode ne soit pas plus long, le seul petit reproche que l'on puisse faire à ce script est une incohérence non pas à l'intérieur même du film mais au sein de la saga. En effet, dans le second épisode, il était signalé que la boxe risquait de rendre le personnage aveugle et, dans le cinquième, que Rocky était victime d'une lésion cérébrale irréversible l'interdisant de toute possibilité d'avoir une licence de boxe : ici, ces problèmes de santé très sérieux ne sont jamais évoqués
(Rocky réussit même brillamment les tests de la commission)
et seuls les risques liés à l'âge sont mentionnés.
L'interprétation de l'ensemble du casting est exceptionnelle mais celle qui se situe au dessus du lot est celle de Sylvester Stallone. On retrouve le jeu brillant qu'il produisait dans le premier Rocky ou dans Copland et il est dur de ne pas être ému en voyant son personnage au bord des larmes quand il évoque le vide de actuel de sa vie. On se prend une nouvelle fois à regretter qu'un acteur ayant aussi magnifiquement débuté (outre Rocky, des films comme F.I.S.T., La Taverne de l'enfer, Les Faucons de la nuit ou le premier Rambo ne doivent pas être oubliés) se soit pas perdu dans la simplification et la recherche du succès commercial à tout prix.
Pour ce qui est de la réalisation, Stallone semble également s'être complètement réinventé. Ses choix visuels sont très éloignés de ceux de ses précédentes mises en scènes : les effets de lumière et de surexposition sont extrêmement audacieux et apportent une impression que les personnages sont petit à petit détruits par la vie. Le combat pour sa part est filmé de manière très moderne et très osée (caméra portée, jeu avec le noir et blanc, et références régulières aux effets télévisuels) totalement inédite dans la saga. Ce film marque un réel changement de patte visuelle de la part du cinéaste que l'on retrouvera également dans le très réussi John Rambo et le moins intéressant Expendables : Unité spéciale.
Enfin, il est presque inutile de signaler que la musique une fois encore signée Bill Conti possède toujours une forte part dans l'émotion ressentie par le spectateur.
À travers cet improbable come-back du boxeur, Stallone réussit a prouver qu'il est capable à 60 ans de surprendre le gens, qu'il arrive toujours à renaitre de ses cendres et signe, avec Rocky Balboa, à la fois un de ses plus beaux films en tant qu'acteur (retrouvant la grâce du premier Rocky) et tant que réalisateur. Magnifique.