Ayant vu et adoré les deux Batman et Inception de Nolan, j'ai logiquement eu envi de découvrir les autres films de ce cinéaste hors du commun. Le Prestige me paraissait d'autant plus alléchant qu'il mettait en scène deux acteurs ayant chacun incarné un super héros: Christian Bale (Batman) et Hugh Jackman (Wolverine). Deux magiciens vivent à Londres au XIXème siècle. Ils qui cherchent par tous les moyens possibles à exceller dans leur art. De cet acharnement naîtra une rivalité qui les poussera tous deux à se dépasser non seulement pour devenir plus grand magicien que l'autre, mais aussi pour lui nuire... Il n'y a vraiment que Christopher Nolan, aidé par son frère Jonathan, pour écrire une histoire pareille! Rendons cependant à César ce qui est à César: cette histoire est tirée d'un livre du même nom écrit par un certain Christopher Priest. Cette histoire de magiciens contient un formidable potentiel, une matière dense et riche sur laquelle un cinéaste ordinaire se casserait les dents. Mais Nolan est un cinéaste extra ordinaire. Aussi a-t-il adapté ce récit avec une matière cinématogaphique aussi riche que l'univers du livre, avec en premier lieu une chronologie extrêmement complexe (à la Usual Suspects). Comme souvent dans les films "à tiroirs", on est un peu perdu au début, et le spectateur est plus ou moins dans le brouillard lors du dénouement. Pourtant, c'est cette complexité même qui fait aussi la qualité du film; c'est la conception du cinéma selon Nolan: un "labyrinthe", dans lequel évoluent des pesronnages, dont certaines facettes sont données à voir au spectateur, tandis que d'autres restent dans l'ombre. Bref, Nolan n'a pas choisi la facilité avec cette chronologie, et ça a payé: le suspense est tout simplement extraordinaire. Malgré quelques moments de flottement, le spectateur est passionné par ce récit hors du commun. Les dialogues sont d'excellente qualité, et la mise en scène de Nolan est virtuose. Les personnages, d'une profondeur et d'un charisme étonnants, sont des modèles d'anti manichéisme, tantôt attachants, tantôt révoltants, profondément humains et inhumains à la fois. L'alchimie entre Angier et Borden crève l'écran dès le début, leur relation complexe est l'un des atouts forts de ce film. Autre gros point fort: l'ambigüité entre supercherie et fantastique, magie et sorcellerie, traitée avec une très grande subtilité. Le Prestige est donc un film unique, noir, psychologique, mystérieux et intense. Le suspense est d'une efficacité foudroyante, les rebondissements se multiplient jusqu'au coup de théâtre final, l'un des plus surprenants de l'histoire du cinéma, au même titre que la fin de Psychose ou de Usual Suspects. LES coups de théâtres, devrais-je dire, car ils sont deux. Si l'on voit le film une fois, voici ce que l'on en dit à peu près. Lorsqu'on le revoit, une seconde dimension peut être appréciée. Le Prestige est aussi un film sur l'obsession et la rivalité: ne devenons-nous pas esclaves de nos projets lorsqu'ils deviennent le sens et le centre de notre vie? D'un certain point de vue, le film illustre cette thématique de manière horrifique: Angier et Borden ne sont-ils pas deux monstres que leur obsession commune a amenée à s'affronter, se déchirer, se détruire? Ce malaise culmine avec les deux coups de théâtres, aussi intéressants dans l'illustration de cette thématique que fascinants d'un point de vue scénaristique. On peut également y voire une mise en abîme extrêmement habile de la part du réalisateur: n'est-il pas en train de nous jouer un tour de magie tout au long du film? Ne nous présente-t-il pas son univers comme un magicien expose ses objets à son public, ne le remplit-il pas de mystère, tel un magicien faisant disparaître ses ustensiles, et ne surprend-il pas le spectateur en lui révélant les rouages de ce mystère, à l'image du magicien faisant réapparaître ce qu'il avait caché? Ce sont des aspects peu évidents à saisir au premier abord, mais que l'on perçoit beaucoup plus distinctement au second visionnage. Le Prestige n'est pas qu'un thriller, c'est aussi un film psychologique intense et une réflexion sur l'obsession. On pourrait reprocher à la musique de ne contenir aucun thème mémorable, néanmoins elle renforce à merveille l'ambiance sombre et mystérieuse du film, louons donc le compositeur David Julyian plutôt que de la blâmer. Un film fascinant, que tout cinéphile se doit de regarder, et qui laisse à penser que dans quelques années le nom de Christopher Nolan sera prononcé avec le même respect que celui d'Alfred Hitchcock.