U est le fruit d'une nouvelle collaboration entre l'auteur de livres pour enfants Grégoire Solotareff et le réalisateur Serge Elissalde, trois ans après Loulou, un film d'animation qui avait rencontré un vif succès lors de sa sortie en salles en 2003, au sein d'un programme baptisé "Loulou et autres loups" (ce film d'une vingtaine de minutes était accompagné de 4 courts métrages). Mais si Loulou était tiré d'un ouvrage de Solotareff, U est une création originale, conçue dès le départ pour le grand écran. Ce projet date d'avant Loulou mais les producteurs avaient préféré commencer par le format court avant de se lancer dans le long métrage.
Grégoire Solotareff raconte : "En fait cette histoire de Licorne est née bien avant Loulou. J'avais déjà écrit une base de scénario en 2000. C'est une inspiration qui me vient de l'enfance. En 1960, quand je suis arrivé en France, j'avais visité avec mes parents le musée de Cluny où j'avais admiré la tapisserie de la dame à la Licorne. Cet animal est resté profondément dans ma tête. Plus tard, en lisant des choses sur la Licorne, symbole de la protection de la jeune fille vierge, j'ai eu envie de raconter, à travers elle, une histoire de séparation au moment de la rencontre de l'amour. Je voulais évoquer les rapports humains, des histoires d'amour croisées entre les gens de deux groupes qui,a priori, ne peuvent pas s'entendre. Et l'amour faisant changer les gens, il fait changer aussi l'entourage. Je souhaitais que les personnages évoluent au fur et à mesure de leurs drames et de leurs bonheurs. Il m'a semblé évident que les livres que je fais d'habitude étaient un peu petits pour raconter une telle histoire à tiroirs. J'avais besoin d'espace et j'ai eu très rapidement en tête l'idée d'en faire un film."
L'intention de Grégoire Solotareff était de signer un "drame psychologique pour enfants". Il explique : "Mes enfants m'ont souvent posé des questions sur la mort, sur la séparation, sur l'amour. Je n'ai jamais évité d'y répondre, au contraire j'avais envie de parler de cela mais sans que cela soit désespérant, ni exagérément joli ou plein de fleurs. La vie est la vie. On m'a souvent dit que ma manière de m'adresser aux enfants est un peu adulte mais les enfants ne sont pas des sous-adultes. Ce sont des personnes à qui il faut parler et même s'ils ne comprennent pas tout et si quelques mots leur échappent, ce n'est pas grave si globalement ils en retirent une émotion. Je crois aux histoires tout simplement. Et chacun, enfant ou adulte, y prend sa nourriture. Ce film est surtout une histoire d'amour et les histoires d'amour sont éternelles, elles commencent extrêmement tôt, même à trois ans dans leur coté romantique ou romanesque... L'idée du passage de l'enfance à l'adolescence me plait, elle implique la découverte de la vie, la perte de l'enfance. C'est un carrefour qui m'intéresse, c'est le vrai sujet du film."
Né en Egypte en 1953, Grégoire Solotareff a exercé la médecine avant de se consacrer à au dessin et à l'écriture, se spécialisant dans la littérature pour enfants. Directeur de la collection "Loulou et cie" à L'Ecole des Loisirs, il a écrit 128 livres en 15 ans, plusieurs de ces ouvrages étant traduits dans le monde entier. Quant au réalisateur Serge Elissalde, né en 1962 à Besançon, il a signé plusieurs courts métrages et adapté plusieurs oeuvres littéraires pour la télévision (sous la forme de films d'animation), comme Verte, un roman de Marie Desplechin, ou Merlin, une BD de Sfar et Munuera.
U a été présenté en 2006 en ouverture du Festival du cinéma d'animation d'Annecy.
Pour le choix des comédiens qui prêtent leur voix aux personnages, les cinéastes ont fait appel à une célèbre directrice de casting, Frédérique Moidon. C'est en discutant avec elle qu'ils ont eu l'idée de contacter Isild Le Besco pour "le côté indolent de Mona" (dixit Solotareff), Vahina Giocante pour "le côté très cristallin et très précis de U" ou encore Bernadette Lafont pour "le côté rond et maternel de Mama".
Pour les besoins de la bande originale de Loulou, Sanseverino avait adapté sa chanson Loulou ne vaut pas un clou. Le chanteur, rendu célèbre par ses morceaux qui mêlent variété et jazz manouche, a non seulement écrit la musique de U, mais a également prêté sa voix à Kulka, le chat guitariste... "Cela a été trois mois de travail ininterrompu dans mon studio avec l'envie de coller vraiment au film", confie Sanseverino.
Le réalisateur Serge Elissalde évoque les choix esthétiques qui ont présidé à la conception de U : "Notre goût personnel à tous les deux penche à l'évidence vers des rendus traditionnels, très “faits à la main”, très picturaux, et dans un style plutôt beaux-arts que numérique... Grégoire aime dessiner au bambou et à l'encre, moi j'affectionne le pinceau et le dessin “croqué”, et nous n'aimons pas vraiment les styles trop laborieux ou léchés. C'est cette spontanéité que nous voulions conserver dans le film, les moyens numériques étant pris comme des procédés discrets au service de ce travail résolument artisanal. Les animations étaient dessinées au feutre-pinceau de manière à conserver un fort trait à l'encre, trait que l'on retrouve aussi dans le dessin des décors, eux-mêmes peints à la main sur papier de manière tout à fait classique.
Les références picturales abondent dans U, comme le confie Grégoire Solotareff : "Il était important pour moi de rester proche de mon univers habituel. Au niveau graphique nous sommes partis de mon travail à la fois noir, à l'encre, et très coloré avec un trait très rapide, assez naturel. On ne voulait pas de ligne claire. Artistiquement j'ai beaucoup été inspiré par les peintres que j'aime. Ce décor de Bretagne un peu exotique est très proche de Gauguin comme inspiration. La scène dans la cuisine du début du film est totalement volée à Rembrandt. Il y a des images de plage inspirées de Félix Vallotton, des cieux de Magritte. Et puis il y a des clins d'oeil au cinéma, à Jean-Luc Godard..."
Plus habitué à l'univers de l'édition, Grégoire Solotareff parle des différences en terme de travail entre livre pour enfants et film d'animation : "(...) du point de vue pratique j'ai tout découvert avec ce film. Nous avons utilisé une animation traditionnelle qui, pour moi, était un prolongement naturel de mon travail puisque les décors ont été faits à l'aquarelle et retravaillés ensuite. C'est un travail beaucoup plus complexe que dans un livre et beaucoup plus long puisque chaque seconde est divisée en partie de secondes et chaque chose est contrôlée dans les détails. Dans un livre, on est beaucoup plus libres, on fait une page, puis une autre, les personnages ne se ressemblent pas parfaitement d'une image à l'autre mais ce n'est pas grave. Dans le dessin animé, c'est évidemment plus contraignant. Serge Elissalde, à partir du scénario, a fait un story-board magnifique, au crayon, qui a été la base de tout le travail."
Le titre U fait référence au mot Unicorne, nom originaire latin de la licorne. Mais ce n'est pas tout, précise Solotareff : "U aussi comme la naissance du personnage grâce aux pleursd'un enfant, grâce aux “uh, uh, uh” de Mona au début du film. Les pleursde l'enfant sont un peu le baptême de U. Le drame provoque finalement larencontre la plus importante de la vie de Mona. U c'est aussi un nom difficile,donc intéressant. Facile à retenir et point de départ de plein de possibilitésde jeu de mots. On ne s'en est pas privés d'ailleurs dans le film..."
Initialement, le film avait pour titre Coolcat.