Notre génération n’est pas attirée par les films français, c’est un fait ! En même temps, il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas vraiment gâtés avec la majorité des long-métrages portant le label Cocorico. Allant de la comédie lourdingue (même parfois pire que les Américains, c’est pour dire !) ou les drames qui s’essayent à donner du style mais n’y parviennent jamais, plongeant dans le grand n’importe quoi. Mais comme dans tout, il y a toujours des exceptions ! Des exemples ? Eh bien, prenez le polar, vous avez le réussi 36 Quai des Orfèvres. Ou encore Intouchables si vous voulez rire à plein poumons et être émus. Et parmi ces perles rares, nous pouvons également citer Je vais bien, ne t’en fais pas, film de Philippe Lioret (à qui l’on devra Welcome avec Vincent Lindon). Arrêt donc sur un drame familial intense, qui lança la carrière d’acteurs devenus incontournables.
Adaptation d’un roman d’Olivier Adam (qui occupe également le poste de scénariste sur ce projet), Je vais bien, ne t’en fais pas (que je n’écrirais plus en entier à partir de maintenant) suit une déprime. Celle d’une étudiante de 19 ans, qui se sent perdue à la suite de la disparition de son frère jumeau, qui a quitté le foyer familial après une violente dispute avec ses parents. Et quand des jumeaux ne se côtoient plus, je peux vous dire que cela fait des étincelles ! À n’avoir aucune nouvelle de son frère, Lili (son p’tit surnom) se permet quelques engueulades avec le paternel, des malaises qui la conduisent à l’hôpital (faute de ne pas manger), une obsession grandissante à vouloir retrouver son frère qu’elle passe à côté de ce que lui offre la vie (job, amour)… Une petite descente aux enfers en quelque sorte ! Mais rassurez-vous, tout s’arrangera ! Enfin… presque.
Oulah, j’en ai peut-être top dit ! Il est temps d’entrer dans le vif du sujet plutôt que de se disperser. Je vais bien… aurait très bien pu être un film sur la dépression adolescente (même si l’héroïne est plus âgée que cela) s’il n’y avait pas eu Philippe Lioret. Un cinéaste qui, au lieu de filmer bêtement les séquences, impose une ambiance à l’ensemble. Une atmosphère plutôt sombre et parfois même lourde, qui exprime toute la douleur émotionnelle et physique (le coup de l’hôpital) exprimée par le personnage de Lili. Et encore, il aurait été également possible de s’en désintéresser. Que nenni ! Grâce notamment à deux points qui font de ce film une réussite incontestable !
D’abord les comédiens ! Menés d’une main de maître par Mélanie Laurent. Actrice française maintenant demandée à l’international (Inglourious Basterds, Beginners, Insaisissables) et que l’on voit quasiment partout (Paris, Jusqu’à toi, Le Concert, La Rafle…), en passant même par la réalisation (Les Adoptés). Et tout cela grâce à ce film ! En même temps, cette chère Laurent se montre d’un naturel des plus déchirants. Donnant vie à son personnage en nous faisant croire à sa détresse. Allant jusqu’à le César du Meilleur espoir féminin pour ce rôle. Une récompense qu’elle n’a pas volée ! En parlant de César, le film permet à un autre de ses comédiens d’obtenir une récompense. Il s’agit de Kad Merad (pour le titre de Meilleur acteur dans un second rôle), interprétant ici le père de Lili, avec un talent que l’on ne lui connaissait guère. Il faut qu’à l’époque, il n’y avait que dans Les Choristes où l’on pouvait le voir dans un rôle sérieux. Poursuivant dans cette lancée (même un peu trop par la suite, enchaînant les comédies et drames sans réelle saveur), le compère d’Olivier Baroux étonne, tout simplement. Surprend en jouant avec un ton aussi juste. Au point de dire que Je vais bien… se présente comme son Tchao Pantin (film de Claude Berri qui montrait Coluche dans un véritable rôle à contre-emploi, César à l’arrivée !). Deux comédiens franchement exceptionnels qui, pourtant, ne laissent pas sur le banc de touche leurs petits camarades que sont Julien Boisselier, Isabelle Renauld ou encore Aïssa Maïga. Un casting comme celui-là, on en redemande !
Second atout : l’histoire ! Parce que suivre une déprime, cela se révèle être touchant ? Pas spécialement, non. Mais tout dépend de la manière dont elle est racontée. Et ici, en usant du mystérieux lien qui unit les jumeaux entre eux (pour cela, je vous laisse vous reporter sur les nombreux sujets qui évoquent ce lien). Faisant ainsi de cette descente aux enfers aux enfers un véritable déchirement. Pour le personnage principal mais aussi pour nous, simple spectateur. Une ombre à soumettre, cependant : l’histoire d’amour entre Lili et le personnage de Julien Boisselier. Qui offre un peu de légèreté, de gaieté à l’ensemble et des passages certes travaillés, certes. Mais qui, malheureusement, dénature un chouïa cette ambiance si prenante qu’avait installé Philippe Lioret. Surtout que pour le dénouement (qui saura couper le souffle à plus d’un), cela aurait très bien pu se faire via un membre de la famille ou un ami proche plutôt qu’un petit-ami (je ne révèlerai rien !).Mais bon, j’avoue que sur ce point, cela s’appelle « chipoter à l’excès » !
Ajoutez-y une sympathique bande-originale (avec la participation du duo AaRON, révélé justement par ce film) et vous obtenez un très bon film. Je vais bien… Prenant et sincère. Superbement interprété. Travaillé comme il se doit. Pour sûr, si tous les films français étaient de ce calibre, nous n’aurions aucune raison d’aller voir ailleurs et de passer bien trop souvent à côté de ces petits bijoux. Je vais bien… est là pour prouver que la France a son propre cinéma, ses propres auteurs, ses propres acteurs. Ses propres « incontournables » !