Pour le réalisateur Cyril Gelblat, il est évident que tous ses films tournent autour d'une même thématique, la famille. A commencer par ses deux premiers courts métrages: "Le premier évoque le vieillissement et le deuxième porte sur la relation entre un père et son fils, un père qui se réalise au travers de son fils en voulant qu'il devienne joueur de football professionnel. Le lien se trouve donc être celui de la famille. Ce qui me touche et m'intéresse en tant que spectateur a le plus souvent quelque chose à voir de près ou de loin avec cette thématique, et ce quel que soit le support, la littérature, le théâtre, le cinéma. Cela peut aller de Tchekhov à la tragédie grecque en passant par William Shakespeare, les thématiques de l'identité, de la filiation, de la transmission et de la famille y sont très présentes".
Après deux courts-métrages, le réalisateur Cyril Gelblat, qui a appris son métier sur le tas, dirige son premier long métrage, Les murs porteurs, dont il a également écrit le scénario: "J'ai néanmoins consulté Agnès De Sacy qui est notamment la scénariste de Valeria Bruni Tedeschi et Zabou Breitman. J'ai senti, à un moment donné, que j'avais atteint certaines limites et que je ne pourrais pas résoudre seul certains problèmes. Je l'ai contactée elle car j'ai souvent remarqué son nom au générique de films qui m'ont touché. Elle m'a consacré une journée, nous avons discuté ensemble de l'histoire et elle m'a donné certaines orientations. Elle m'a, par exemple, amené vers ce rapport immature que peut avoir parfois Simon avec sa fille et sa soeur, il n'avait pas à l'origine cette intériorité qu'il a dans la version finale. Cela m'a permis d'imaginer des séquences très simples comme celles où il regarde sa mère dormir. Il suffit parfois de quelques mots pour orienter différemment une histoire, trouver un personnage".
Impossible de le nier pour le réalisateur Cyril Gelblat, le sujet des murs porteurs le touche personnellement: "Les murs porteurs n'est pas un récit autobiographique, mais je me suis inspiré évidemment de choses qui se passent autour de moi. J'ai eu envie d'écrire cette histoire à la mort de ma grand-mère, car j'ai eu la sensation sensation de ne pas avoir fait mon devoir de mémoire et de m'être désintéressé de tout ce qui pouvait se rapporter à mon identité. Si ce n'est pas exactement mon histoire personnelle, elle en découle. C'est d'ailleurs étrange car le film ayant été tourné il y a déjà quelque temps, je m'en étais éloigné. Je ne l'ai revu que récemment lors d'un festival et je l'ai alors regardé différemment. Je me suis rendu compte qu'il y avait énormément de moi et de mon rapport aux autres dans chacun des personnages. Je me disais naïvement que le fait de faire un film transgénérationnel sans aborder les problématiques d'un garçon de 28 ans faisait que je ne parlais pas de moi dans ce film, c'est évidemment le contraire. De la même façon on m'a fait remarquer dernièrement, qu'il y avait quelque chose de très matriarcal dans mon rapport à la famille, à l'image des familles italiennes. Je désirais parler de l'identité, mais sans qu'elle soit marquée par une culture. Je voulais éviter de centrermon film sur une communauté, même si j'en évoque une, je tenais à faire un film plus universel, tout en parlant d'une communauté, je ne voulais pas faire un film communautariste. Finalement il reste personnel, autour d'une communauté, mais il y a cette dimension qui m'importait, plus large, plus universelle".
Le titre du film, Les murs porteurs, a évidemment une signification bien particulière, comme l'explique Cyril Gelblat: "La Symbolique des lieux est fondamentale pour moi, dans ce que je voulais raconter. Les murs porteurs c'est ce que l'on ne peut pas enlever et il y a un parallèle entre l'identité, la transmission et la symbolique des lieux, avec le retour dans ce lieu de leur enfance. Il est possible de s'écarter de sa culture, de ses origines, de se construire différemment mais chacun garde forcément en lui certaines fondations, certaines résonnances de son passé, liées parfois à un lieu précis. J'aimais l'idée que les enfants s'affrontent sur le destin de ce lieu, que Simon veuille de prime abord vendre cet appartement alors que ce qu'il vit dans le film le ramène frontalement à ce lieu. C'est lui qui va y chercher sa mère, qui retourne dans l'agence de communication, qui touche le papier peint qu'il reconnaît alors que Judith ne se retrouvera de nouveau dans ce lieu qu'à la séquence de fin. Il y a un rapport très fort au lieu qui me plaisait, je tenais à ce qu'ils soient habités et y faire ainsi revenir Frida de manière instinctive, animale. La résolution du film pour moi, c'est qu'ils finissent par réinvestir ce lieu alors désincarné, c'est la raison pour laquelle d'ailleurs j'ai voulu y installer temporairement une agence de communication, une image très contemporaine alors que je voulais que le film soit intemporel, et cette intemporalité on la retrouve lors de cette dernière scène. D'ailleurs cette même histoire d'une vieille dame atteinte de la maladie d'Alzheimer et qui revient à l'endroit où elle a habité par le passé est arrivée à des amis après mon tournage. Quand ils me l'ont racontée, ça m'a bouleversé".
Pour Cyril Gelblat, ila été jubilatoire de voir se créer sous ses yeux ses personnages, interprétés par Miou-Miou et Charles Berling: "Avec Miou-Miou, il y avait pour moi une sorte de défi à lui proposer ce rôle, il ne collait pas à l'image que j'avais d'elle et, en même temps, je lui trouvais cette faculté à donner une grande légèreté à ses personnages. C'est l'une des directions vers laquelle je voulais me diriger, un personnage ayant à faire face à des événements dramatiques et qui a, parallèlement, une incroyable énergie, une réelle soif de vivre. J'ai senti qu'elle donnerait beaucoup de profondeur à cette femme et j'ai été époustouflé. Elle s'est emparée du rôle avec une grande justesse et s'est investie pleinement dans cette aventure. C'est incroyable de voir incarnés sur un plateau de cinéma les personnages que l'on a créés, le tournage est jubilatoire et j'adore en ce sens mettre en scène, j'y prends énormément de plaisir, c'est fusionnel. Pour Charles, en me basant sur son travail, j'avais l'impression que c'était un comédien qui n'avait pas de problème avec sa part de féminité. Le personnage de Simon était assez impressionniste, il intériorisait beaucoup. J'espérais qu'il aborde cette intériorité avec toute cette féminité et je ne pense pas m'être trompé, il donne au personnage une étonnante sensibilité".
Le réalisateur Cyril Gelblat ne connaissait pas les actrices Shulamit Adar et Giovanna Mezzogiorno, avant de les faire tourner: "Shulamit avait joué dans Madame Jacques sur la Croisette et Voyages d'Emmanuel Finkiel, je ne les avais pas vus et lorsque la productrice de ces deux films me les a prêtés ce fut immédiatement une évidence. Elle est Israélienne et nous avons beaucoup travaillé sur la phonétique, c'était un vrai défi, mais elle est extraordinaire, elle exprime énormément de choses par la profondeur de son regard, par les traits de son visage et il suffisait de la filmer sans qu'elle ait besoin de parler. Giovanna Mezzogiorno est une actrice italienne. Lorsque mon directeur de casting m'a parlé de cette comédienne, qui a fait partie de la troupe de Peter Brooke et qui parle couramment le Français, j'ai trouvé intéressant d'avoir un visage inconnu du public en France pour interpréter ce personnage. Manou, en effet, est la locataire, l'habitante du lieu, le personnage extérieur à cette famille. Je voulais faire passer des choses autravers du regard qu'elle pose sur cette famille dont elle va finir par faire partie. Je cherchais une comédienne très expressive, ayant presque une sorte de virgule dans l'oeil afin de pouvoir travailler sur cette idée de personnage observateur".