On l’a compris, «Nos Jours heureux » est une comédie, genre quasi-unique du cinéma français contemporain, et qui répond donc à la volonté de plaire au plus grand nombre. La recette en est simple : un acteur en vogue, deux ou trois jeunes comédiens dont l’inévitable échappé de l’écurie Canal (ici, l’Omar de «Omar et Fred», seul rescapé du court-métrage «Ces jours heureux» qui avait servi de brouillon à ce film), des gamins aperçus à «Graines de stars», et des personnages caricaturaux se débattant dans une intrigue prévisible où les moments plus graves ne peuvent nous émouvoir, assurés que nous sommes d’un happy end consensuel. Il est clair que les deux auteurs ont mis l’essentiel de leur énergie dans l’écriture du scénario et non dans la réalisation, et l’objet filmique est plus proche du téléfilm de France 3 que d’une réelle œuvre de cinéma – la photographie est particulièrement plate, et renforce l’impression de voir un film des années 70.
Ici, on est assez proche de la démarche de Claude Berri dans «Le maître d’école» : se centrer sur un héros candide et plein de bonne volonté pour faire découvrir un univers, peuplé de personnages secondaires stéréotypés. Eric Toledano et Olivier Nakache ont été directeurs de colos, et quand ils se contentent de n’être que les chroniqueurs attendris de cette microsociété, cela sonne souvent juste, même si on a parfois l’impression de retrouver en une seule équipe toutes les études de cas d’un stage BAFA. Ayant vu le film à une projection organisée par le ministère de la Jeunesse et des Sports pour des responsables de cette administration et des professionnels de l’animation, il était d’ailleurs drôle de voir que ce n’étaient pas les mêmes qui riaient selon les passages, les premiers appréciant les psychodrames de la réunion du soir, les seconds s’esclaffant lors de la visite de l’inspecteur…
Mais les auteurs ne se sont pas cantonnés à cette peinture des mille et un bonheurs de la vie d’un centre de vacances ; ils ont voulu pousser la caricature des personnages, tant adultes qu’enfants, pour garantir les effets comiques et sans doute ratisser plus large. Malheureusement, cette pesanteur nuit à la crédibilité des situations, comme pour le personnage de Caroline, l’animatrice coincée qui hurle toute sa frustration accumulée face à un gamin sidéré (là, la scène est efficace malgré son outrance), et constelle la deuxième moitié du film de ses grossièretés, redondance inutile et indigeste.
On aurait aimé retrouver la finesse de l’étude des caractères de «L’argent de poche» (côté enfants) ou de «La meilleure façon de marcher» (côté animateurs). À noter d’ailleurs une scène qui fait écho à celle de ce dernier film où Claude Piéplu dépouillait les bulletins glissés dans la boîte à idées, devenue ici, signe des temps, boîte à délation. Contrairement à Patrick Dewaere et Patrick Bouchitey, les animateurs de Vincent n’ont pas d’existence au-delà de l’étiquette qui a été collée à leur personnage, aussi grosse et voyante que le logo « Animateur » brodé sur le dos de leur t-shirt. Alors certes, on rie, parfois un peu gêné, parfois de bon cœur, et certains s’en contenteront. D’autres, dont je suis, regretteront le film plus subtil qu’on aurait pu tirer d’une telle histoire.