Un thriller d’espionnage basé sur une histoire vraie : voilà qui s’annonçait palpitant avant même de commencer le visionnage, surtout avec une tête d’affiche partagée par le vétéran Chris Cooper et le jeune Ryan Philippe. D’entrée de jeu, nous savons tout de suite comment ce dont il s'agit grosso modo, avec cette conférence de presse donnée, laquelle révèle l’issue du film. On peut comprendre que bon nombre d’américains ont en mémoire cette affaire retentissante, mais pour les autres… cela constitue une sacrée maladresse pour un film voué à une exploitation commerciale ! Le suspense est donc tué avant même qu’il n’arrive. Peut-être était-ce une façon de se débarrasser d’un aspect que le réalisateur Billy Ray ne maîtrisait pas, pour mieux se concentrer sur les modalités de cette enquête. Car effectivement, nous ne les connaissons pas, pas plus les tenants et les aboutissants. Eh bien là aussi il y a à redire. Le véritable Eric O’Neill est venu sur le plateau de tournage en tant que consultant. Et il raconte ceci : "je travaillais toute la journée sur cette affaire, je passais mes soirées à étudier le droit et revenais parfois après au bureau. J'étais déchiré entre l'envie d'être avec Juliana et la responsabilité d'une enquête nationale très importante. Je devenais ainsi ce genre de type odieux qui passe son temps à travailler sans même avoir de bonnes raisons à donner. C'était très difficile de lui mentir, mais j'y étais obligé. Ainsi va ce métier". Ça, nous n’en doutons pas, surtout dans une enquête aussi difficile, où il fallait savoir nager dans un océan de mensonges, de fausses informations, de manipulations, et de faux-semblants. Seulement, à aucun moment on ne voit le futur agent passer ses soirées à étudier le droit et à revenir au bureau autant de fois que nécessaire. Le reste y est, mais où est cette partie si importante ? Cela aurait permis d’étoffer le récit, et de mettre du rythme à ce film qui s’avère être finalement un bon outil pour faire la sieste devant son écran. De plus la psychologie des personnages n’est pas complètement développée. La raison officielle (si on peut dire) du déclenchement de cette enquête est finalement peu évoquée et quasiment non traitée à l’image, sans parler du fait que les motivations de Robert Hanssen restent floues. L’enquête avance à pas de fourmi (gagner la confiance de quelqu’un, c’est long !), mais au lieu de faire une mise en scène dynamique qui aurait présenté tous les aspects de cette enquête, la priorité a été donnée à la dramatisation, par ailleurs quelquefois en flirt avec le mélo. Ça ne donne pas envie, hein ? Et pourtant, je pense qu’on ne peut rien reprocher aux acteurs. Ils font le boulot, en particulier Chris Cooper qui a hérité du rôle le plus difficile : interpréter quelqu’un qui est sans arrêt aux aguets en grand maniaque du contrôle, continuellement aux portes de la paranoïa, torturé par une carrière qu’il estimait mériter en regard de ses nombreuses années de service, n’était pas chose aisée. Cependant là n’est pas LE point positif que j’attribuerai à ce film. En effet, je le donnerai plutôt au compositeur Mychael Danna qui a signé une belle B.O., et dont les premières notes que nous entendons nous transportent vers la perspective d’un grand film. L’illusion n’est qu’un feu de paille, un film ne pouvant pas reposer QUE sur la musique. Bref : un film raté. Pire : gâché.