Criminel endurci, liberté conditionnelle, période de réinsertion et gentil prêtre ; on part pour un drame sans surprises. Pourtant, c'est le film entier qui est la pépite danoise de son année, avec sa flopée de récompenses bien méritées.
L'air de rien sous couvert de personnages assez plats, le créateur nous fait réfléchir à ce que signifient les bienfaits de la religion quand ils sont transmis par un prêtre dont la bonne volonté est rongée par une tumeur au cerveau ; pourquoi est-on d'accord de considérer que le réconfort dépasse les bornes posées par la tolérabilité d'un mensonge bienfaisant ? Pourquoi n'a-t-on pas l'impression qu'il soit aberrant que la tolérance continue de lier les personnages entre eux ?
Avec la religion devenue folle, on pourrait s'attendre à ce que la violence, démontrée çà et là sans mesure, rende l'œuvre intolérable. Et c'est même un peu ce qu'il se produit, avec les caractéristiques des personnages qui enflent jusqu'à rendre l'histoire un peu space. Mais ce surplus prend la forme d'une douce absurdité, laquelle à son tour est récupérée par des mains habiles et invisibles qui en font de la poésie. Comme si chaque détail était équilibré, par exemple par ce personnage de médecin cynique, drôle dans l'horreur, qui vient en contrepoint d'un mal bien réel. Un livre qui tombe, un portrait d'Hitler qui se renverse, un prêtre soupe-au-lait, un tennisman désilusionné, un terroriste amateur, tout ce beau monde va être arrosé par cette subtilité sensible qui relativise tout – et même, je le répète, cette violence qui d'habitude me fait fuir.
Il y a bien un peu d'attendu, avec le chat dont les apparitions ostentatoires ne laissent aucun mystère quant à la fin qui sera la sienne, mais l'absurdité en est un parfait corollaire. Ce petit paradoxe semble fonctionner comme les forces contraires d'un magnétisme bien huilé, car c'est un autre et bien plus grand paradoxe qui vient donner la confirmation qu'on regarde un excellent film : c'est un drame, et même un drame social, qui parle de douleur, de maladie, d'agonie, de crime et de mort, et pourtant on n'est pas dégoûté ni morbidement attiré ; tout au contraire, ça nous réchauffe le cœur de voir la rédemption arriver, toute simplette qu'elle soit
(les personnages retournent tous à leurs vieux espoirs), toute grinçante qu'elle soit (l'on commet toujours des erreurs), et toute hollywoodienne qu'elle soit (on parle tout de même d'un bon gros happy end).
La rude langue danoise n'est pas ici le reflet de ce qui est au cœur de l'œuvre, une sensibilité magique qui va jusqu'à nous rendre sensible à ce qui, d'ordinaire, nous exaspère.
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