Pratiquement porté disparu des écrans depuis le Mission : Impossible de Brian de Palma (lagent qui maigrissait un grand coup sur sa cage dascensceur, cétait lui), Emilio Estevez effectue un retour fracassant sur le devant de la scène. Pour sa première réalisation, le comédien saventure, sans complexe, sur les terres de Robert Altman (Short Cuts) et Paul Thomas Anderson (Magnolia). Et, sans pour autant atteindre le même niveau de virtuosité, il tisse un drame choral brilllant, sur lune des pages les plus tragiques de lHistoire américaine : lassassinat de Robert F. Kennedy (frère de). Une figure que lon ne verra que floue, de dos, ou via des images darchives. Signe que le véritable intérêt du fils de Martin Sheen nest pas dans la banale reconstitution de lévénement, ni la théorie du complot façon JFK. Il préfère la vie de certains des spectateurs du drame, et, pour ce faire, sattache à une vingtaine des personnes présentes à lHotel Ambassador, lors de cette funeste journée du 4 juin 1968. Des personnages (réels ou fictifs) interprétés par un casting grand luxe (Sharon Stone, Elijah Wood, Anthony Hopkins
), et dont le choix na rien danodin : du serveur latino au militant noir, en passant par le hipppie, la star alcoolique ou le jeune homme effrayé par lengagement au Viêtnam, ils ne représentent pas moins que lAmérique de la fin des années 60. Marquée par dimportant clivages (raciaux, sociaux
), celle-ci plaçait en Bobby de grands espoirs. Espoirs envolés avec la fumée des coups de feu tirés sur le sénateur, dans un final où, discours à lappui, Estevez sen fait le porte-parole, comme pour mieux faire la comparaison avec la situation actuelle. Poignante, cette chronique dune mort annoncée émeut, et pourrait ainsi sonner la renaissance de la carrière du comédien.