Quand deux réalisateurs plutôt barrés tels que Quentin Tarantino (Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Kill Bill) et Robert Rodriguez (Desperado, Une nuit en enfer, Spy Kids) se lancent à la réalisation d’un diptyque («saga composée de deux volets au thème proche mais qui ne se font pas suite », merci Wikipedia !!), cela donne Grindhouse ! Composé de Planète Terreur (Rodriguez) et de Boulevard de la Mort (Tarantino). Le but ? Faire des thrillers (dans le domaine de l’épouvante) en imitant le style des films d’exploitation. Comment s’en est donc tiré ce cher Tarantino ?
Pour commencer, il faut présenter ce que sont les films d’exploitation. Il s’agit ni plus ni moins de long-métrage qui se base essentiellement sur les tabous de la société (sexe, alcool, drogue, violence…), évitant les dépenses de productions (d’où une piètre qualité visuelle et technique) et n’ayant pour que pour but d’attirer les foules en salles. Imaginez alors ce que Tarantino pouvait donc bien faire avec un tel projet dans les mains ! Cela donne Boulevard de la Mort, titre comportant deux films en un !
Le premier raconte comment un groupe de jeunes filles, dont la carrière démarre dans le monde du showbiz, va croiser le chemin d’un cascadeur du cinéma qui, au volant de sa voiture de « travail », va s’amuser à les menacer. Un jeu qui ira jusqu’à la mort ! Pas bien approfondi tout ça, n’est-ce pas ? Mais c’était sans compter sur le travail technique et scénaristique propre à Tarantino. En somme, au moins 90% de séquences ne sont que des dialogues qui arrivent pourtant à capter l’attention via des répliques prenantes, des personnages hauts en couleur et certaines envolées (ou limites du tabou dépassées) rafraîchissantes. Et quand Tarantino fait du Tarantino pour rendre un hommage, c’est vraiment du plus bel effet ! Pour cause, le réalisateur de Pulp Fiction copie à la perfection les défauts des films d’exploitation pour embellir son Boulevard de la Mort (du moins, dans cette première partie). Et cela, le cinéaste n’y va pas avec le dos de la cuillère : montage haché et mal fait, traces noires sur l’écran, scènes coupées comme ça, caméra mal placée, scénario grotesque, personnage surjoués et incroyablement cons, des détails dont le spectateur se fout royalement (comme ces gros plans montrant le cascadeur manger comme un porc…)… Boulevard de la Mort ou comment utiliser les défauts d’un genre pour réussir son coup ! Tarantino avait la réponse ! Du moins, durant cette première partie.
Dans la seconde, le soufflé retombe un chouïa. Déjà au niveau du scénario, qui se révèle être quasi identique au précédent (des filles qui vont rencontrer le cascadeur), et ce même si le dénouement sera différent. Et pour ce « nouveau film », Tarantino délaisse les défauts cités plus hauts pour ce lancer cette fois-ci dans une réalisation plus traditionnelle : caméra qui suit les personnages dans leurs longues discussions, mise en scène et montage énergique pour une (trop) longue course-poursuite endiablée… Comme si Tarantino refaisait la première partie mais de manière classique. Du coup, Boulevard de la Mort se retrouve long pour rien, devenant par moment ennuyeux et même soulant. Notamment à cause du style Tarantino (dialogues à souhait) qui se retourne contre lui. Vraiment dommage que le film prenne cette tournure, même si cette seconde partie reste néanmoins sauvée par cette course-poursuite finale qui déménage autant qu’elle amuse.
Mais quelque part, Boulevard de la Mort ne rend pas spécialement hommage aux films d’exploitation mais surtout aux cascadeurs. Et à voir le script, ce n’est pas pour rien que le méchant soit de cette branche, ni que l’une des nombreuses actrices, cascadeuses de métier, joue ici son propre rôle (Zoe Bell). Du coup, Tarantino nous livre un Kurt Russell surgit tout droit du cinéma des années 80 (le cinéaste a vraiment le chic pour faire renaître certains acteurs, comme Travolta dans Pulp Fiction), entouré d’un charmant casting féminin qui surjoue pour rester dans le style du film, mettant en avant leur charme et plastique. Le tout dans une ambiance musicale très 80’s, point technique que les films de Tarantino savent mettre en valeur plus que tout autre (ce choix de chansons pour la BO de chaque long-métrage).
Hommage en somme à Faster, Pussycat! Kill! Kill! De Russ Meyer, Tarantino nous livre un délire de réalisateur maîtrisé comme il se doit. Du ridicule à gogo, qui pointe le bout de son nez dès le début de la pellicule (où nous avons le droit à une ribambelle de bandes-annonces de nanars de série Z créées pour l’occasion) ! Il est toutefois dommage que Tarantino n’est pas poussé la fantaisie bien plus loin que ça, restant cloîtré dans ce huis-clos de l’hommage, au lieu de partie sur les routes déjantées et violentes d’un Pulp Fiction. Boulevard de la Mort, ou quand un réalisateur de génie nous livre sa petite récréation, histoire de patienter jusqu’à un nouveau projet de plus grande envergure.