Il aura fallu attendre le décès de David Carradine pour que ‘Sonny Boy’ (dans lequel il joue un travesti, mère adoptive du dit Sonny Boy) sorte des limbes de l’oubli où il avait été plongé durant 20 ans. Si le casting (Carradine donc mais aussi l’effrayant Paul L.Smith, sorte de Bud Spencer glabre, Brad Dourif et ses yeux exorbités, etc…), le réalisateur et le cadre sont américains, le producteur qui chapeaute toute l’affaire, Ovidio G. Assonitis, est italien, a bossé quelques temps pour la Cannon où il accrocha quelques somptueux nanards au tableau de chasse de l’entreprise, au point que Sonny boy’ possède effectivement quelque chose du cinéma d’exploitation italien des années 70-80, transgressif et dégénéré. Il est d’ailleurs difficile de résumer la véritable nature du projet, dans lequel on pourrait éventuellement percevoir une version alternative de Frankenstein : un bébé est élevé - c’est à dire enfermé dans une cage et éduqué à coup de trique - par des rednecks sadiques qui le transforment en machine à tuer…jusqu’à ce que la confrontation prolongée avec le monde extérieur ne fasse renaître en lui de tendres sentiments humains qui pourront peut-être tempérer sa bestialité. Décousu, inclassable et grotesque jusqu’à parfois susciter un certain inconfort, ‘Sonny boy’ est bien trop excessif pour s’imposer comme l’oeuvre dramatique respectable qu’il donne parfois l’impression de vouloir être. Sa violence décomplexée le rend même parfois drôle, tout comme son son positionnement branlant entre western, vigilante-movie et films de mœurs à la ‘Affreux, sales et méchants’, sans qu’on sache si ce ressenti résulte de choix volontaires du réalisateur. En fait, il y a même de quoi être un peu surpris que dans le cinéma américain de la toute fin des années 80, alors que l’ère des blockbusters clinquants et conquérants était déjà largement entamée, il y ait encore eu une place pour un cinéma grindhouse aussi cinglé, qui n’était ni Z et fauché, ni relié à un sous-genre bien identifiable.