"Poltergeist" ou comment montrer superbement au spectateur qu'un film d'horreur - du moins d'épouvante - peut ne pas seulement se cantonner à un côté gore, de frayeurs obligées et de sursauts téléphonés, le tout rempli d'un grand rien, mais prendre une toute autre dimension. Steven Spielberg - ne parlons même pas de Tobe Hooper qui n'a été que l’exécutant dans cette histoire - réussit à travers "Poltergeist" à donner cette importance oubliée à un film de genre rapidement catégorisé dans le rang de la vacuité, à savoir le genre horrifique au cinéma. Ici, Spielberg donne à voir superbement, et avec ô combien d'humour, une critique de la société capitaliste et conformiste des États-Unis. C'est peut-être ça le plus effrayant dans le film ; voir cette peinture de la société américaine, satirique à en faire peur, exagérée à en faire frissonner le corps jusqu'aux entrailles ; et la dernière scène révèle tout son génie quand on constate que, malgré cette affreuse histoire, la famille n'en retire rien, s'échappe de sa vie monotone et balisée pour en retrouver une autre. Une seule chose aura changée : plus de télé ! Le pied de nez est superbe ! L'intelligence du propos, l'humour de cette critique est réellement le point fort de ce film attachant. Comment passer à côté de cette dimension ? Spielberg n'a pas résisté à la tentation et tous les côtés kitschs, fanfreluches, exagérés et stupides que certains relèvent ne font qu'apporter de la matière à cette satire. Évidemment que cette famille est insupportable, que ces gamins sont niais, stéréotypés, tout comme leur parents, que leur maison (maison témoin rappelons-le !) est sans âme et sans cachet, mis à part cet arbre aux allures de gigantesque épouvantail, que ces voisins sont stupides et balourds (la scène du match, un régal !), que ce patron est aveugle et asservi par le pognon, que cette ville est symétrique, aux contours parfaits et sans irrégularité, jusqu'à ces deux médiums attardées, avec un grain dans la tête. La satire sort par tous les pores de l'intrigue et hante l’histoire plus que le poltergeist ne hante la maison. Ah, les années 80, tout est beau, tout est équilibré, tranquille et serein ; the American Dream... Cause toujours oui. A côté de cela, ne nions pas que si l'on rit allègrement de cette satire caricaturale de la société, l'on rit aussi sur ce côté si naïf dont Spielberg ne sait se détacher, ce qui rend le côté effrayant plus drôle qu'autre chose. Les effets spéciaux, numérisés ou carton-pâte, donnent cet aspect vieillot au film qui ne le rend que plus sympathique. Aujourd'hui, plus personne n'en a peur, tout le mode en rit gentiment. Je crois qu'il faut voir "Poltergeist" comme une sorte d'antiquité : c'est un vieil objet, d'un temps ancien, qui ne sert plus, juste à décorer, et qui sait se rendre attachant car il dégage un côté nostalgique. C'est bel et bien comme ça que je revois "Poltergeist" : dépassé de mode, complètement has-been au possible, mais tellement attachant. Reste cette superbe satire, et le rythme particulièrement soigné. En effet, certaines scènes maintiennent une angoisse assez réussie (notamment au début) et les tensions se succèdent avec équilibre, le climax du film se dédoublant, ce qui est assez original. Tout n'est donc pas à jeter dans ce film. Cette antiquité vaut le coup d’œil. Elle n'est plus dans l'ère de son temps mais elle fait voir ce qu'a été le cinéma, les États-Unis, et ce que faisait Spielberg à l'époque. Il a toujours gardé ce côté enfantin, très crédule et innocent, qui a fait son succès. En voyant son nom inscrit à toutes les lignes de la fiche technique, vous attendiez-vous réellement à avoir peur devant "Poltergeist" ? Lui-même, ni Tobe Hooper n'ont eu cette ambition, et là où ils ont été astucieux, c'est dans l'autre dimension qu'ils ont donné à ce long-métrage qui en dit plus long qu'on ne le croit.