Contrairement à bien d'autres disciplines, le cinéma n'a pas dû attendre que vienne le nombre des années pour offrir à ses adeptes ce qu'il a de meilleur. En 1927, soit seulement 25 ans après le voyage dans la lune de Méliès que l'on peut considérer comme étant le premier véritable film de son histoire, Buster Keaton, l'homme devenu acrobate par obligation familiale - tout gosse, son père, saltimbanque, n'hésitait pas à le jeter dans la foule, l'homme qui, dès le début de sa carrière, prendra le parti de ne pas rire de ses propres sketches parce qu'en rire c'est à la fois accepter de devenir cette star qu'il se refusera toujours d'être et aussi admettre que l'on puisse se moquer du malheur d'autrui, chose qui, contrairement à Arbuckle, Sennett et même Chaplin, lui était impossible, tournait, après avoir produit une série de courts métrages vraiment exceptionnels, ce que beaucoup de journalistes de la presse spécialisée ont jugé comme étant la meilleure comédie de tous les temps. Ce verdict, quasi définitif - on ne fera jamais mieux, selon eux - n'est pas seulement dû au festival de gags d'une légèreté et d'une finesse extraordinaire que le Mecano de la General propose tout au long de ses 75 minutes, mais aussi, parce que ces derniers, parfaitement intégrés à l'intrigue, sont mis en scène avec une précision extrême, chose que même avec la technique actuelle, beaucoup de cinéastes sont bien incapables de faire. Enfin, comme une cerise sur un gâteau qui pourrait s'en passer, comme s'il en était encore besoin d'en ajouter, le film de Buster Keaton, inspiré d'un fait réel - le vol de la locomotive par l'armée du Nord - fait preuve d'une véritable fidélité à l'Histoire. Comme quoi, faire rire tient parfois du perfectionnisme!.