1981, Bolivie. Un jeune israélien idéaliste, Yossi Ghinsberg, et ses deux compagnons de route, Marcus et Kevin, font la rencontre d'un mystérieux aventurier, Karl, qui leur promet de les amener au coeur de la jungle amazonienne à la rencontre d'un tribu inconnue. Avec la perspective naïve née des dernières bribes d'enfance en lui que sa quête d'identité passe nécessairement par la découverte de contrées inexplorées, Yossi convainc ses deux amis de se joindre à lui et à ce guide par la seule force de sa conviction encore bien immature. Alors que les quatre hommes s'enfoncent peu à peu dans la jungle, Yossi n'a aucune idée à quel point sa soif d'aventure s'apprête à être comblée de la manière la plus dramatique qu'il soit...
Après nous avoir sacrément déçu avec "The Darkness" et être revenu en meilleure forme avec "The Belko Experiment", Greg McLean confirme à nouveau tout le bien que l'on pense de lui en allant encore un cran qualitatif plus loin avec "Jungle", un survival initiatique qui puise sa force à la fois dans le caractère véridique des faits qui nous sont rapportés et dans le récit en lui-même de cette incroyable odyssée de solitude au milieu de la jungle sud-américaine.
Tout d'abord, il faudra bien profiter de l'ambiance idyllique des premiers instants car, par la suite, "Jungle" nous fera vivre une véritable descente aux enfers de la nature humaine que rien ne semblera pouvoir stopper sinon le double visage d'un environnement aussi merveilleux que cruellement dangereux.
De la découverte mi-touristique mi-hippie de la Bolivie aux premiers pas dans la jungle de l'expédition des quatre hommes, le début optimiste de "Jungle" traduit bien évidemment encore le regard naïf de Yossif qui, malgré un passage à l'armée, a préféré fuir l'encadrement parental rigide plutôt que d'abandonner son caractère d'éternel rêveur.
Mais, dès lors que le groupe se fissure en perdant de sa lumière avec l'arrivée de premières dissensions, l'idéalisme qui habite le personnage semble déjà être tiraillé entre les pires bassesses humaines comme, par exemple, lorsque tous sont sur le point d'instinctivement régresser en meute en se liguant contre un élément plus faible. Dans cette équation où le résultat pourrait être une étude comportementale sur l'influence d'autrui, la personnalité mystérieuse du guide allemand aux intentions toutes aussi obscures se mue elle aussi en totale inconnue qui impacte par des variables insidieuses celles de ses compagnons.
Même si, au terme de la première partie du film, on pourra encore déceler quelques traces de leur engouement aventurier innocent grâce à des élans de courage récompensés, la scission apparaîtra désormais inévitable et conduira à basculer le récit dans le survival à l'état brut suite à un événement dramatique.
Dans la deuxième partie de "Jungle", placé seul aux côtés de Yossi, le spectateur deviendra le témoin de l'errance aussi bien physique que spirituelle d'un homme qui, au lieu d'accepter son sort a priori inéluctable, choisit simplement de persévérer.
Cela se fera au prix de multiples épreuves de souffrances corporelles (une certaine scène de "prélèvement" va vous retourner l'estomac) et de visions qui passeront souvent la dangereuse frontière entre le réel et la démence mais, malgré de dangereux oscillements, la flamme de vie animant Yossi luttera de toutes ses forces pour ne jamais s'éteindre. Le film ne se détournera pas du côté quasiment mystique découlant de cette incroyable histoire de survie en mettant en évidence cette sorte de destinée qui lie ce héros à un autre personnage faisant tout son possible pour le retrouver, comme si, lui aussi, était mué par la même flamme que Yossi (d'ailleurs, l'apport de ce nouveau point de vue dans la dernière partie contrariera l'aspect immersif dans un premier temps mais il se révélera un élément indispensable à la force des ultimes instants). D'autres éléments plus discrets issus des hallucinations et du passé de Yossi iront eux aussi dans la direction d'une puissance indicible oeuvrant de manière omnisciente.
Cette expérience d'isolement poussée jusque dans ses derniers retranchements conduira bien entendu Yossi à decouvrir un sens à sa vie et à revoir les directions jusqu'alors choisies, il aura juste fallu qu'il perde tout pour tout découvrir en somme.
Les panneaux finaux nous expliquant le devenir des vrais protagonistes ajouteront une véritable densité réaliste de plus à l'expérience cinématographique vécue et nous étonneront encore par cette capacité que possède la nature humaine à sortir grandie des conditions extrêmes d'un environnement hostile.
Alors, oui, peut-être que "Jungle" ne se hissera pas totalement aux côtés de ses plus illustres modèles (coucou "Délivrance"!) mais il est clair qu'il s'inscrit dans leur droite lignée sans en avoir à rougir. Pour finir, signalons l'énormissime prestation de Daniel Radcliffe, acteur caméléon bluffant et à l'implication physique ici "christianbalesque", ainsi que celles des trois autres comédiens (Alex Russell, Joel Jackson et Thomas Kretschmann), sans qui "Jungle" n'aurait sans doute pas eu la même âme... d'aventurier, évidemment.