Pendant la première heure, on peut avoir l'impression que Fellini s'amuse aux dépends du spectateur. Rien ne permet de supposer que la mosaïque de scènes réelles (et quelle réalité !), de scènes imaginaires, de scènes oniriques, de scènes peut-être vécues, de scènes remémorées, puisse s’agencer en une signification quelconque.
Mais, par son génie de la mise en scène, de l'or et de la fange qui sont le lot de ces personnages, le maître arrache la réalité de Juliette et, graduellement, donne au film la vraisemblance psychologique que l'on commençait à désespérer d'y trouver.
Pauvre Juliette. Issue d'un milieu hyper-bourgeois, sœur d'une star de la TV, affublée d'amis au snobisme délirant, elle espérait trouver dans le mariage l'absolu que tout esprit recherche. Hélas, dans cette voie, elle s'enlisera alors dans le mysticisme le plus forcené, contactant les esprits dans ces réunion mondaine où l'on fait tourner les tables, croyant communiquer avec eux dans sa vie quotidienne, consultant un gourou ambisexuel dans l'espoir de reconquérir son mari.
Et lorsqu'un jour, elle saura avec certitude que son mari la trompe, minée par cette révélation, soumise à ses fantasmes et à ses hallucinations, poursuivie par le souvenir d'un grand-père à demi-fou, hantée par l'obsession chrétienne de la faute, refusant tout contact avec l’écœurant snobisme de ses anciens faux amis et avec la vie de débauche de ses nouveaux faux amis, refusant même le contact avec les rares personnes qui pourraient lui venir en aide, elle s'enferme en elle-même, là où elle ne pourra éviter la folie.
La conclusion de ce drame est inévitable. Mais les derniers combats de Juliette constituent un moment hallucinant du film, où Fellini laisse libre cours à son imagination délirante, en allant crescendo de scènes tellement indescriptibles que l'on ne peut les dire que... felliniennes !