La comparaison entre La Totale ! et True lies : Le Caméléon est l’exemple même de la manière dont une même histoire peut offrir deux résultats complètement différents. Si le film de Claude Zidi est une comédie saupoudrée d’espionnage, le remake de James Cameron est un blockbuster d’action possédant des éléments de comédie.
Ainsi, après un générique peu travaillé (celui de l’original cherchait au moins à être un minimum stylisé), le remake américain embraie dès sa première séquence dans l’aspect spectaculaire (que ce soit par le luxe de la réception où se rend Harry Tasker que par la scène d’action qui suit). On comprend dès lors que la subtilité de l’original, liée à son petit budget, sera remplacée par la grosse artillerie (il faut dire que, dès les premières secondes, la musique de Brad Fiedel annonce la couleur). Ainsi, on peut trouver que l’action complètement irréaliste
(l’idée de Tasker de faire sauter un cheval d’un immeuble à l'autre semble totalement improbable de la part d’un agent secret expérimenté ; l’explosion nucléaire qui semble n’inquiéter personne ; la scène d’action finale où Harry Tasker tire sur tout un immeuble où pourrait se trouver sa fille, où il y a un combat sur un avion et où le méchant meurt en étant accroché à un missile !)
est souvent trop longue (le final notamment tire fortement en longueur), ce qui apporte cette sensation sur l’ensemble (on se dit que l’on aurait pu facilement supprimer 10 à 20 minutes à l’ensemble surtout quand on voit que l’original durait presque 45 minutes de moins et que l’intrigue tournant autour du fils de François Voisin a quasiment été supprimée dans celui-ci).
Ainsi, si la majorité des personnages principaux a conservé plus ou moins ses signes distinctifs, les quelques modifications dans le caractère des protagonistes sont révélatrices. L’adolescent rebelle qui sèche les cours et ment à ses parents pour faire du rock se féminise et
, si on excepte la séquence où elle vole de l’argent au collègue de son père qui a été conservée,
cette jeune fille est quasiment absente du récit
jusqu’à la fin où elle est enlevée par le terroriste
. Mais la grosse différence provient du traitement du personnage principal. Le rôle étant interprété par Arnold Schwarzenegger (qui est à l’origine de l’idée de remake), il était évident que l’agent crédible interprété par Thierry Lhermitte qui passait plus de temps en filatures qu’en scènes d’action deviendrait un héros enchaînant les cascades et les combats à l’image d’un James Bond. Ainsi, si aucun des acteurs n’a à rougir, il ne se dégage jamais de ses personnages l’humanité qui était présente chez ceux de l’original et on peut regretter en particulier Eddy Mitchell et Michel Boujenah nettement plus drôles (Tom Arnold ne possède pas le charisme et l’ironie sympathique de Mitchell et Bill Paxton l’aspect minable qui rendait Boujenah hilarant). Ils sont globalement plus aseptisés
(à l’image de la séquence de la mitraillette qui tombe et tue pleins de terroristes, qui meurent cette fois sans effusion de sang, et qui est lâchée par Jamie Lee Curtis qui a raté tous ceux sur qui elle tirait alors que dans la version française, Miou-Miou réussissait à en éliminer elle-même quelques uns)
.
Toutefois, si les séquences comiques possèdent globalement moins de charme que dans la version française, il faut reconnaître que celles-ci sont généralement plus réussies visuellement. Il faut dire que derrière la caméra se trouve rien de moins que James Cameron. Le créateur de Terminator sait créer des séquences mémorables. Mais, étrangement, s’il aligne des séquences d’actions impressionnantes (à défaut d’être réalistes mais ce n’est visiblement pas l’esprit du film), les séquences qui marquent le plus le spectateur sont des séquences à priori plus banales à savoir les deux magnifiques séquences de danse sur Por una Cabeza de Carlos Gardel et le cultissime strip-tease d’une Jamie Lee Curtis à la fois sexy et comique (la séquence française équivalente est, elle, beaucoup plus anodine n’ayant donné aucun aspect sexy au déshabillage de Miou-Miou).
On peut aussi estimer que les changements apportés aux terroristes sont également par certains aspects intéressants. Globalement, ils sont assez caricaturaux et beaucoup plus dangereux que dans l’original
: on passe d’une simple bombe classique qui est lancée de Paris même (ce qu’on pensait être un pays arabe n’étant au final que Barbès) à une bombe nucléaire tirée d’une île à côté (et qui explose tout de même sans que cela ne semble déranger qui que ce soit !!!)
. Toutefois, le scénario se permet, au travers d’une ligne de dialogue, d’expliquer les motivations des terroristes (dans un film réalisé sorti 7 ans avant le 11 Septembre 2001, il est important de le souligner).
Au final, True lies : Le Caméléon est un remake assez réussi car il permet d’offrir une autre lecture au film français sans en être une pure copie (même si de nombreuses phrases sont reprises mot pour mot dans les passages comiques). Si l’aspect comique et familial est moins réussi que dans l’original (malgré certains ajouts comme la phrase Jamie Lee Curtis disant : "J’ai épousée Rambo" qui est savoureuse quand on connaît la rivalité existant à cette époque encore au box-office entre Schwarzenegger et Sylvester Stallone), il domine largement pour ce qui est de la réalisation et du spectaculaire. On peut apprécier les deux de façon assez équivalente : si on souhaite privilégier les acteurs, l’humour, le réalisme et l’aspect familial, on regardera La Totale ! mais si on souhaite voir un film d’action spectaculaire irréaliste, ne se prenant pas au sérieux (comment pourrait-il en être autrement vu l’aspect parfois cartoonesque de certaines scènes d’action) et visuellement parfaitement maîtrisé, on se penchera sur True lies : Le Caméléon.